Soc. 6 oct. 2015, FS-P+B, n° 13-26.052

Lorsque l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur, le salarié peut, indépendamment de la majoration de la rente, obtenir la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d’agrément et enfin du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle. Par ailleurs, si cet accident ou cette maladie se traduit par un licenciement pour inaptitude physique, le salarié est en droit d’obtenir une indemnité spéciale de licenciement. La question s’était alors posée de savoir si le salarié licencié pour inaptitude physique résultant d’un accident du travail dû à la faute inexcusable de l’employeur pouvait être indemnisé à raison du préjudice résultant de la perte d’emploi et de ses droits à la retraite.

En 2006, la Cour de cassation avait admis cette indemnisation en laissant aux juges du fond le pouvoir d’apprécier souverainement les éléments à prendre en compte pour la déterminer. En 2011, dans la lignée de cette décision, la Cour avait également admis l’indemnisation du salarié pour le préjudice spécifique résultant de la perte des droits à la retraite consécutif au licenciement.

Dans un arrêt de chambre mixte rendu en 2015, la Haute juridiction est toutefois revenue sur cette position au sujet de l’indemnisation pour la perte des droits à retraite. Elle a estimé que « si l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu’en cas de faute inexcusable, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peut demander à l’employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation des chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité, c’est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. La perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation. Dès lors, une cour d’appel décide à bon droit que la perte des droits à la retraite subie par une victime, bénéficiant d’une rente majorée, se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu’elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ».

Par sa décision du 6 octobre 2015, la chambre sociale se range derrière celle de la chambre mixte. Ici, le salarié faisait grief aux juges du fond d’avoir rejeté ses demandes de réparation des préjudices liés à la perte de son emploi ainsi qu’à la perte de droits à la retraite. Et à cela, la Cour de cassation répond que la demande d’indemnisation de cette double perte, même consécutive à un licenciement, correspond en réalité à une demande de réparation des conséquences de l’accident du travail.  

Auteur : Editions Dalloz - Tous droits réservés.