Soc. 22 janv. 2020, n° 19-18.353

Par arrêté du 23 décembre 2014, une société ayant pour activité principale la fabrication, la transformation et la vente de produits métallurgiques fut inscrite pour un de ses sites sur la liste des établissements de fabrication, de flocage et de calorifugeage à l’amiante ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), pour la période allant de 1967 à 1996. Trois salariées demandèrent à être indemnisées de leur préjudice d’anxiété du fait de leur exposition à l’amiante et obtinrent gain de cause devant les juges du fond.  La société forma alors un pourvoi en cassation, à l’occasion duquel elle formula une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’interprétation faite par les juges de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, instaurant un droit automatique à indemnisation d’un préjudice d’anxiété au profit de tout salarié remplissant les conditions pour bénéficier de l’ACAATA, sans que l’employeur puisse apporter la preuve que le salarié n’a pas été exposé à l’amiante et/ou qu’il a respecté son obligation de sécurité en mettant en œuvre toutes les mesures de prévention nécessaires pour éviter la réalisation de risques liés à cette exposition. En l’occurrence, la société entendait demander au Conseil constitutionnel si cette interprétation était conforme au principe de responsabilité, au droit au procès équitable et au principe d’égalité devant la loi.

La chambre sociale de la Cour de cassation refuse de renvoyer cette QPC au Conseil. Elle précise d’abord que la disposition législative en cause (et son interprétation) n’exclut pas toute cause d’exonération de responsabilité, contrairement à ce qu’affirmait la demanderesse. La Cour explique ensuite que cette disposition « ne prive pas l’employeur d’un recours effectif dès lors notamment qu’il peut remettre en cause devant le juge compétent l’arrêté ministériel » ayant inscrit son établissement sur la liste de ceux ouvrant droit à l’ACAATA - l’employeur pouvant, par là même, apporter la preuve que les salariés n’étaient pas exposés à l’amiante.

La Cour réfute enfin toute atteinte au principe d’égalité « en ce que la différence de traitement invoquée est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit et ne constitue pas un avantage disproportionné ». En effet, la création de l’ACAATA pour certains salariés ayant été exposés à l’amiante avait précisément pour objectif de créer une différence de traitement afin de permettre à ces salariés, en application de critères précis, de cesser leur activité de façon anticipée. La jurisprudence récente invoquée par la société demanderesse, qui impose au salarié de prouver la réalité du préjudice d’anxiété et permet à l’employeur d’écarter sa responsabilité lorsqu’il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires en vertu de son obligation de sécurité, s’applique aux salariés exposés à l’amiante non éligibles à l’ACAATA ou aux salariés ayant été exposés à d’autres substances nocives ou toxiques. Les salariés étant placés dans des situations différentes du fait de la reconnaissance, pour certains, de l’exposition à l’amiante par arrêté ministériel, l’argument relatif à l’atteinte au principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté.

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