Soc. 30 avr. 2014, FS-P+B, n° 13-12.321

La durée de la protection renforcée contre le licenciement dont bénéficie la travailleuse enceinte est au cœur de la problématique soulevée par le présent arrêt. En droit communautaire, la directive n° 76/207 du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de conditions de travail et la directive n° 92/85 du 19 octobre 1992  qui vise à améliorer leur santé et leur sécurité constitue un premier niveau de protection. L’article 10, point 1, de la directive n° 92/85 interdit tout licenciement pendant la grossesse, sauf « en cas d’exception non liés à cet état ». Complétant ces dispositions, l’article L. 1225-4, alinéa 1, du code du travail dispose qu’« aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constatée et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes ». Dès lors, en application de cet article, pendant les quatre semaines qui suivent la fin du congé de maternité, la protection de la salariée est la même que celle dont elle bénéficiait durant sa grossesse, cette solution étant renforcée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation au sujet du congé parental. Cependant, à la seule lecture de cet article, une interrogation subsiste. On sait, en effet, qu’à leur retour de congé de maternité, les salariées ont droit à leur congé payé annuel. Les salariées dont le congé de maternité coïncide avec la période de prise des congés payés applicable dans l’entreprise peuvent donc prendre leurs congés payés à leur retour. Faut-il alors encore appliquer la protection contre le licenciement lorsque la salariée a prolongé son congé maternité par un arrêt maladie ou une prise de congés payés ?

En l’espèce, une salariée dont le congé de maternité s’était achevé le 7 septembre 2004 prit ses congés payés à partir du 8 septembre jusqu’au 20 octobre 2004. Le lendemain, elle fût convoquée par une lettre remise en main propre à un entretien préalable en vue de son licenciement. Licenciée le 16 novembre 2004, elle saisit la juridiction prud’homale aux fins d’annuler son licenciement. Les magistrats de la cour d’appel de Paris relevèrent que la période de protection des quatre semaines suivant le congé de maternité, instituée par l’article L. 1225-4 du code du travail, nécessairement liée à l’exercice effectif de son travail par la salariée, est suspendue pendant la durée des absences régulières ou des périodes de suspension du contrat de travail. Appliqué au cas d’espèce, ce délai de protection, qui devait commencer le 8 septembre 2004, s’est trouvé suspendu pendant la période de suspension du contrat de travail résultant de la prise de congés et reporté au terme de ceux-ci.

A l’inverse, l’employeur soutenait, à l’appui de son pourvoi, que cette période de quatre semaines courait à compter de l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail au titre du congé de maternité, et non à compter de la reprise effective du travail par la salariée, de sorte que la prise de congés payés accolée au congé de maternité n’avait pas pour effet de suspendre ni de reporter le point de départ du cycle de protection relative de quatre semaines. Mais cette argumentation n’emporte pas la conviction de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi en considérant que cette période de protection suivant le congé de maternité est suspendue lorsque la salariée prend des congés payés à l’issue du congé de maternité. Il semblerait d’ailleurs que cette solution soit applicable aux autres cas de suspension du contrat de travail dès lors qu’ils seraient accolés à la fin du congé de maternité.

Cependant, deuxième temps dans la réponse de la Cour de cassation rendue au visa des articles L. 1225-4, L. 1225-17 et L. 1225-71 du contrat de travail, cette dernière rappelle que « l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement ». Par conséquent, elle considère que la cour d’appel, qui s’est prononcée sans rechercher, comme il lui était demandé, si le licenciement n’était pas justifié par une faute grave non liée à l’état de grossesse, n’a pas donné de base légale à sa décision. Au demeurant, il ressortait de la lettre de licenciement visée par l’arrêt d’appel que la rupture du contrat de travail avait précisément été prononcée en raison de l’impossibilité de maintenir le contrat de la salariée pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement, si bien que, même insuffisamment fondé, celui-ci se justifiait par l’un des motifs autorisés par l’article L. 1225-4 du code du travail.

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