Civ. 2e, 10 oct. 2013, F-P+B, n° 12-25.782

La notion de « réserves » n’ayant fait l’objet d’aucune définition juridique par le législateur, il revenait à la Cour de cassation de les qualifier et de poser certaines conditions. Dès l’arrêt du 12 juillet 2001, pour pouvoir être qualifiées de réserve, les observations de l’employeur doivent nécessairement porter soit sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident, soit sur l’existence d’une cause étrangère au travail. Si l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, n’obligeait pas l’employeur à motiver ses réserves, il n’en devait pas moins contester le caractère professionnel de l’accident en se fondant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail. En effet, la Cour a déjà jugé qu’imputer la cause de l’accident à la faute du salarié ne constituait pas une réserve.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2013, l’employeur avait procédé à la déclaration d’un accident du travail en précisant qu’il émettait des réserves conservatoires qui seront détaillées dans un futur courrier. Après enquête, l’employeur adresse ce courrier à la caisse en tentant de démontrer que la survenance de l’accident résultait de l’existence d’un état pathologique antérieur du salarié victime. Ces circonstances posent deux questions majeures. La première est celle de savoir si la simple expression de « réserves conservatoires » non autrement explicitée pouvait obliger la caisse à recourir à une mesure d’instruction. La seconde est relative à la motivation apportée par l’employeur qui remettait en cause non pas la survenance de l’accident subi, mais l’incidence sur celui-ci de l’état de santé antérieur du salarié victime. La Cour de cassation reprenant sa définition des réserves rejette le pourvoi formé par l’employeur au motif, d’une part, que la caisse n’était pas obligée de recourir à une mesure d’instruction pour prendre en compte des réserves conservatoires non autrement explicitées et, d’autre part, que les réserves développées par l’employeur portaient sur l’existence supposée d’un état pathologique antérieur alors qu’il est constant qu’un éventuel état antérieur ne peut suffire à écarter l’existence d’un lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel.

Cet arrêt constitue une confirmation de jurisprudence bien établie. En effet, la Cour avait déjà précisé que les réserves visées par l’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale ne servent qu’à contester le caractère professionnel de l’accident et ne « peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail ».

En se joignant à une critique déjà développée, on peut en effet regretter que les réserves se confondant à une première contestation sur le fond soient circonscrites aussi restrictivement. Néanmoins, après la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie, les voies de recours gracieux ou contentieux s’ouvrent au profit de l’employeur. De plus, la caisse doit avant toute décision envoyer à l’employeur ainsi qu’à la victime un questionnaire portant sur les circonstances de l’accident ou les causes de la maladie et le compléter par une enquête auprès des personnes concernées. Ces exigences, qui sont destinées à assurer le respect du contradictoire dans la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d’une pathologie, atténuent la rigueur de ces solutions jurisprudentielles. 

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