Civ. 1re, 9 sept. 2015, FS-P+B+I, n° 14-22.794

En vertu de l’article 9 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, l’assureur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait : a) devant les tribunaux de l’État membre où il a son domicile ; b) dans un autre État membre, en cas d’actions intentées par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant le tribunal du lieu où le demandeur a son domicile, ou c) s’il s’agit d’un coassureur, devant le tribunal d’un État membre saisi de l’action formée contre l’apériteur de la coassurance. L’article 10 ajoute que l’assureur peut, en outre, être attrait devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit s’il s’agit d’assurance de responsabilité ou d’assurance portant sur des immeubles. Enfin, l’article 11 retient, notamment, que « les dispositions des articles 8, 9 et 10 sont applicables en cas d’action directe intentée par la victime contre l’assureur, lorsque l’action directe est possible ».

Ainsi, afin de déterminer la juridiction compétente dans l’Union européenne pour connaître d’une action directe dirigée contre un assureur, il faut dans un premier temps déterminer si cette action est possible selon la loi applicable.

Sur ce point, la première chambre civile de la Cour de cassation a opéré une distinction : « si l’action directe de la victime contre l’assureur du responsable est régie, en matière de responsabilité contractuelle comme en matière de responsabilité quasi délictuelle, par la loi du lieu du dommage, le régime juridique de l’assurance est soumis à la loi du contrat ».Toutefois, cette jurisprudence a aujourd’hui une portée très limitée.

Ainsi, en matière délictuelle, il faut tout d’abord rappeler qu’en matière d’accidents de la circulation, la question de la loi applicable à l’action directe est réglée par la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation routière (art. 9). Ensuite, l’entrée en vigueur du règlement n° 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) ne peut que faire évoluer la jurisprudence. Ce texte, applicable depuis le 11 janvier 2009, prévoit en effet, à propos de l’action directe contre l’assureur du responsable, que « la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l’obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoit » (art. 18).

En matière contractuelle, le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), applicable depuis le 17 décembre 2009, ne contient pas de dispositions spécifiques à la question de l’action directe de la victime contre l’assureur. Le professeur Corneloup a toutefois proposé de s’inspirer de l’approche retenue par le règlement du 11 juillet 2007 en vue d’établir un rattachement alternatif : l’action directe serait ouverte dès lors qu’elle serait admise soit par la loi applicable au contrat conclu entre la victime et le responsable du dommage, soit par la loi applicable au contrat d’assurance. C’est à l’évidence cette approche que l’arrêt rapporté consacre, lequel arrêt opère, sinon un revirement de jurisprudence, du moins une évolution majeure guidée par l’entrée en vigueur des deux règlements européens.

Pour finir, rappelons que le règlement n° 44/2001, mis en œuvre par l’arrêt rapporté, a été remplacé, depuis le 10 janvier 2015, par le règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. L’article 13 de ce nouveau règlement reprend, en substance, les dispositions précitées de l’article 11 du règlement n° 44/2001. La solution consacrée par l’arrêt rapporté sera donc maintenue.

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