Civ. 2e, 19 mai 2016, FS-P+B+R+I, n° 15-12.767

L’article L. 135-2-1 du code des assurances permet au preneur de renoncer au contrat d’assurance-vie dans les trente jours calendaires à compter du moment où il est informé que le contrat est conclu. Cette renonciation emporte l’obligation pour la compagnie de restituer les sommes. Mais l’article L. 135-2-2 prévoit un formalisme détaillé entourant l’exercice de cette faculté de rétractation. Si celui-ci n’est pas respecté, le délai est prorogé jusqu’au trentième jour calendaire suivant la date de la remise effective de ces documents et dans la limite de huit ans. Et cela vaut même en cas de simple manquement formel. Ainsi y a-t-il indéniablement une sorte de prime à la mauvaise foi. C’est précisément à cette situation que la Cour de cassation a voulu mettre un terme, alignant ainsi le droit de l’époque au droit positif tel qu’il résulte de la loi n° 2014-662 du 30 décembre 2014.

En l’espèce, le directeur financier d’un fonds d’investissement et son épouse avaient investi dans un contrat d’assurance-vie. Excipant d’un manquement à l’information prescrite, ils entendaient exercer, deux ans après la souscription (deux années qui comptent, la souscription ayant eu lieu quelques mois avant la faillite de Lehmann Brothers), leur faculté de rétractation. Pourtant, le manquement était formel : il consistait en une légère différence entre un encadré et l’arrêté régissant cet encadré. Si la cour d’appel a accédé à leur demande, la Cour de cassation censure cette décision, par un raisonnement distinguant le principe de la sanction de son exercice.

Tout d’abord, pour l’assureur, le salut ne vient pas de la compatibilité de la sanction critiquée avec le droit communautaire qui avait mis en place ce formalisme. La Cour de cassation estime qu’il n’y avait pas lieu à question préjudicielle et que l’article L. 132-5-2, alinéa 2, est conforme au droit communautaire. Sur ce plan, elle approuve la cour d’appel d’avoir considéré que la sanction est proportionnée aux objectifs de la directive 2002/83 CE qui sont, selon le considérant 52, « de faire profiter le consommateur de la diversité des contrats et d’une concurrence accrue, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que le manquement est purement formel ou tient au contenu de l’information qui doit être fournie, ni de subordonner la sanction à la démonstration préalable d’un préjudice subi par le preneur d’assurance ».

Si le principe d’une telle sanction n’est pas contestable, c’est sur le plan de l’exercice de la rétractation que la Cour de cassation est intervenue. Certes, « la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes [art. L. 132-5-2] en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance ». Mais « son exercice peut dégénérer en abus ». Ce disant, la Cour de cassation prend directement le contrepied de sa jurisprudence antérieure. Elle n’hésite d’ailleurs pas à le remarquer, observant que « ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 qui, n’opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou mauvaise foi du preneur d’assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose au contractant ».

La censure sur le troisième moyen conforte cette solution. Alors que la cour d’appel avait estimé, en tout état de cause, qu’il n’était pas démontré que l’usage de la faculté de rétractation constituait un détournement de la finalité de la règle, la Cour de cassation lui reproche de s’être prononcée par voie de simples affirmations. Les juges d’appel devaient rechercher « au regard de la situation concrète » des assurés, « de leurs qualités d’assurés avertis ou profanes et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l’exercice de leur droit de renonciation ».

En adoptant un tel parti, la Cour de cassation s’aligne sur ce qu’avait récemment décidé le législateur. En effet, la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 avait modifié l’article L. 132-5-2 afin que la sanction de la prorogation ne soit plus de plein droit mais dépendante de la bonne foi de l’assuré. 

Auteur : Editions Dalloz - Tous droits réservés.