Civ. 3e, 24 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-20.439

Aucun texte légal ou réglementaire ne contraint l’assureur à vérifier la capacité juridique de l’assuré lors du renouvellement tacite du contrat, ni lors de la délivrance des attestations.

Les compagnies d’assurances ne sauraient devenir des enquêteurs. Ainsi, l’intensité de leurs investigations ne doit pas aller trop loin. C’est tout le sens de cette décision du 24 octobre 2012, émanant de la troisième chambre civile et destinée à être publiée au Bulletin. Une cour d’appel est approuvée d’avoir considéré qu’aucun texte légal ou réglementaire ne contraint l’assureur à vérifier la capacité juridique de l’assuré lors du renouvellement tacite du contrat, ni lors de la délivrance des attestations d’assurances que l’assuré est parfois amené à fournir à un futur client.

En l’espèce, les demandeurs au pourvoi, qui cherchaient à obtenir l’indemnisation de désordres survenus à la suite de travaux d’extension de leur maison, ont assigné l’assureur de l’entrepreneur en paiement de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 1382 du code civil. En substance, ils estimaient qu’« il appartient à l’assureur, qui délivre une attestation, qu’il sait nécessairement destinée à être produite à la clientèle de son assuré, de se renseigner sur la capacité juridique de ce dernier à exercer l’activité pour laquelle il a contracté la police, afin de ne pas fournir de renseignements de nature à égarer la clientèle de l’assuré ». L’argument n’était pas sans intérêt : sans doute les demandeurs n’auraient pas contracté avec cette entreprise s’ils avaient su que son dirigeant avait été, depuis la souscription du contrat, frappé d’une interdiction de gérer.

La Cour de cassation n’est pas sensible à cette idée. Rien n’oblige l’assureur à vérifier la capacité juridique de son assuré lors du renouvellement tacite ou lorsqu’il fournit une attestation.

La solution n’est pas étonnante. Si l’assureur a naturellement le devoir de se renseigner, et si, sans doute, en pratique certains éléments seront automatiquement vérifiés, comme par exemple la majorité du souscripteur, on ne saurait exiger de celui-ci qu’il se livre à une enquête minutieuse sur la capacité de son client, surtout au stade d’un renouvellement tacite du contrat ou de la simple production d’une attestation. Dans cet ordre d’idée et au stade de la souscription, la Cour de cassation a déjà considéré, à propos d’un contrat d’assurance véhicule, que l’assureur n’a pas à vérifier si le souscripteur est titulaire du permis nécessaire à la conduite du véhicule assuré. Ce n’est qu’en cas de doute qu’il conviendra qu’il se renseigne. Cette absence de vérification obligatoire, à laquelle la notion de contrat de bonne foi n’est certainement pas étrangère, se révèle judicieuse au plan de l’opportunité. En effet, en décider autrement n’aurait pas été sans difficulté, même si la loi no 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives a créé un fichier des interdits de gérer (V. les art. L. 128-1 à L. 128-5 c. com. créant un fichier national des interdits de gérer). On peine à imaginer l’assureur se livrer à de nouvelles investigations à chaque fois qu’il lui est demandé de fournir une nouvelle attestation.

Au surplus, le second argument des demandeurs au pourvoi ne pouvait prospérer. En effet, ceux-ci prétextaient de ce que s’ils avaient eu connaissance d’un refus d’assurance éclairé de la seconde compagnie (la couverture de deux compagnies s’était succédée dans le temps), ils auraient pu résilier le marché pour défaut d’assurance. Mais le chantier avait été initié six jours avant la fin de la première couverture, c’est-à-dire quand la responsabilité décennale de l’entreprise était encore couverte. Il n’y avait donc aucun défaut d’assurance. 

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