Civ. 2e, 16 janv. 2014, FS-P+B, n° 13-11.356

 

L’actualité récente témoigne bien tristement de l’intérêt de cette décision rendue par la deuxième chambre civile le 16 janvier 2014. Les arrêtés de catastrophe naturelle s’enchaînent avec une rapidité alarmante ; aussi, les arrêts permettant de préciser les règles applicables aux conséquences pécuniaires de ces évènements malheureux revêtent une importance considérable. Et parmi les questions posées par de telles situations, se pose celle de savoir quelle compagnie d’assurance est débitrice de l’indemnité en cas d’assurances successives au titre du risque de catastrophe naturelle. Selon la Cour de cassation, au visa de l’article L. 125-1 du code des assurances, qui réglemente l’assurance des risques de catastrophes naturelles, la garantie est due par l’assureur dont le contrat est en cours durant la période visée par l’arrêté ministériel constatant l’état de catastrophe naturelle.

Plusieurs dates sont envisageables et cette espèce permet de l’illustrer. En effet, les situations de catastrophe naturelle sont susceptibles de durer, ce que complique une succession d’assureurs. Les propriétaires d’une maison située dans une commune ayant fait l’objet de trois arrêtés portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle due à la sécheresse ont remarqué diverses fissures dont une expertise a, par la suite, révélé qu’elles étaient dues à cette sécheresse, intervenue alors qu’ils n’étaient pas encore propriétaires. Que les conséquences pécuniaires soient prises en charge par une assurance ne fait pas de doute, mais qui, de ceux ayant successivement couvert le risque de catastrophe naturelle, devait indemniser les actuels propriétaires ? L’assureur pendant la révélation du sinistre (en l’espèce, la gravité avait été révélée en 2003) ? À la date de la publication de l’arrêté ? Ou encore l’assureur dont le contrat est en cours durant la période visée par l’arrêté ministériel constatant l’état de catastrophe naturelle ? C’est cette dernière solution que retient la Cour de cassation, estimant que, si le sinistre avait pour cause la sécheresse ayant sévi au cours des années 1990, 1991 et 1996, au cours des périodes visées par l’arrêté de catastrophe naturelle, le demandeur au pourvoi ne pouvait être tenu dans la mesure où il n’assurait pas le bien à cette époque. Peu importe, donc, la date de révélation du sinistre. Ce qui compte, c’est la période déterminée par l’arrêté.

La présente solution avait déjà été celle de la deuxième chambre civile, dans un arrêt du 3 octobre 2013 rendu à l’occasion de la sécheresse de 2003. La Cour de cassation reprochait à une cour d’appel d’avoir méconnu les dispositions de l’article L. 125-1, « alors que le sinistre dont la gravité s’est révélée après la vente de la maison au cours de l’été 2004, avait pour cause la sécheresse ayant sévi de juillet à septembre 2003, période pendant laquelle le bien n’était pas assuré par la [compagnie] ». L’occasion est à présent donnée à la Cour de cassation de connecter cette période à celle visée par l’arrêté. Cette solution est d’autant plus intéressante qu’elle doit être combinée avec un arrêt de la première chambre civile du 27 mai 2003, lequel avait considéré qu’« en cas d’assurances successives garantissant le risque de catastrophes naturelles, c’est à la date de survenance du sinistre qu’il convient de se placer pour déterminer l’assureur débiteur de la garantie ». Or il semble bien qu’il y ait une différence entre le sinistre lui-même et ses causes.

La solution est désormais acquise : la garantie est due par l’assureur dont le contrat est en cours durant la période visée par l’arrêté ministériel constatant l’état de catastrophe naturelle. Il demeure qu’elle peut être délicate d’application. Que décider en cas d’assurances successives au cours de cette période ? La solution peut sans doute être trouvée dans la convention entre assureurs du 23 juin 1993 relative aux mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse, et à laquelle renvoyait un auteur : « la gestion du sinistre incombe au dernier assureur qui a garanti le risque pendant la période visée par l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle ; la contribution de chaque assureur ayant garanti le risque pendant cette période est calculée selon les mêmes règles que celles applicables en matière de cumul d’assurances ».

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