Civ. 2e, 6 févr. 2014, FS-P+B, n° 13-11.331

 

La Cour de cassation rend ici une importante décision dont les conséquences économiques peuvent se révéler substantielles. Ainsi, selon la deuxième chambre civile, les entreprises d’assurances sur la vie ou de capitalisation doivent faire participer leurs assurés aux bénéfices à la fois techniques et financiers qu’elles réalisent.

Cette solution a été rendue s’agissant de deux contrats d’assurance mixte garantissant à leurs bénéficiaires, en cas de décès ou d’invalidité permanente et totale pendant le contrat ou en cas de vie, à l’échéance du contrat, le paiement d’un capital majoré d’une participation aux bénéfices. À l’échéance, les bénéficiaires se sont révélés insatisfaits de la valorisation communiquée par la compagnie d’assurance. Pourtant, celle-ci a été en quelque sorte validée par la cour d’appel, motif tiré d’un article des conditions générales des contrats s’intéressant à la participation aux bénéfices. Selon cette stipulation, un fonds de participation aux bénéfices était créé, alimenté par 75 % au moins de l’ensemble des bénéfices nets. La conception retenue par les juges d’appel était cependant quelque peu restrictive, dans la mesure où, selon eux, les bénéfices s’entendaient de ceux « réalisés par l’assureur sur le placement financier des fonds versés par les assurés au titre de l’épargne, à l’exclusion des bénéfices techniques ».

S’appuyant sur une règle importante du droit de l’assurance-vie et de sa mécanique, en vertu de laquelle les assureurs ont l’obligation de faire participer les assurés aux bénéfices, la Cour de cassation censure cette analyse. Au visa de l’article L. 331-3 du code des assurances, elle estime ainsi que la participation aux bénéfices imposée aux entreprises d’assurance sur la vie ou de capitalisation comprend tant les bénéfices financiers que les bénéfices techniques.

Dès lors, qu’entendre par bénéfices techniques et bénéfices financiers ? Les bénéfices financiers se conçoivent aisément : ils s’agit des bénéfices de plus-value, réalisés à l’occasion de la cession d’un actif, mais également des bénéfices d’intérêt, représentant l’écart entre le taux d’intérêt contractuellement servi aux assurés et le taux de placement par la compagnie d’assurance des actifs représentatifs de ses engagements. À ce type de bénéfices s’ajoutent ceux dit « techniques », c’est-à-dire les bénéfices de mortalité et les bénéfices de gestion. Les premiers naissent de l’écart entre la mortalité réelle et la mortalité théorique, quand, pour reprendre les mots d’un auteur, « l’allongement constant de la durée de la vie humaine vient contredire les tables de la mortalité. Quant aux seconds, ils sont matérialisés par la différence entre les frais de gestion acquittés et ceux qui avaient été prévus.

La position retenue par la Cour de cassation n’est guère étonnante. Elle n’est, en réalité, que le décalque de l’article L. 331-3 du code des assurances, lui-même l’héritier de la loi no 66-935 du 17 décembre 1966 qui avait mis un terme aux initiatives diverses des assureurs en unifiant les solutions à ce sujet. En effet, le texte même de la disposition utilise cette distinction entre les deux types de bénéfices. Les deux sont comprises dans l’expression de « participation aux bénéfices ». Cet arrêt du 6 février 2014 s’inscrit de surcroît dans le mouvement initié par le Conseil d’État et consistant à donner une vaste portée à l’obligation de faire participer les assurés aux bénéfices. En effet, le 23 juillet 2012, devant l’initiative d’une célèbre association de consommateurs, le Conseil avait considéré que l’article A. 331-3 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure au 23 avril 2007, était entaché d’illégalité parce qu’il excluait les contrats collectifs en cas de décès. Selon les hauts magistrats, il résulte des dispositions de l’article L. 331-3, dont l’article A. 331-3 fait application, que le législateur n’a entendu exclure aucun type de contrat de l’obligation de participation des assurés aux bénéfices techniques et financiers. Décidément, rien ne semble pouvoir se soustraire de cette obligation...

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