Civ. 3e, 25 févr. 2016, FS-P+B, n° 15-13.856

En affirmant que la domiciliation d’une personne morale dans les locaux à usage d’habitation pris à bail par son représentant légal n’entraîne pas un changement de la destination des lieux si aucune activité n’y est exercée, la Haute juridiction tire les enseignements de l’actuel article L. 123-11-1 du code de commerce.

En l’espèce, le bailleur d’un local soumis à la loi du 1er septembre 1948 déniait à son locataire le droit de domicilier dans son logement la société dont il est le représentant légal. Selon lui, cette domiciliation privait le preneur de son droit au maintien dans les lieux en ce qu’elle conférait à son occupation un caractère commercial incompatible avec l’obligation d’occuper bourgeoisement les lieux. Ce faisant, le bailleur se faisait l’écho d’une solution rendue sous l’empire de l’ordonnance n° 58-1352 du 27 décembre 1958.

Cette jurisprudence n’a toutefois plus droit de cité depuis l’insertion, par la loi n° 84-1149 du 21 décembre 1984, d’un article 1 ter dans l’ordonnance de 1958. Aujourd’hui codifié à l’article L. 123-11-1 du code de commerce, il s’évince en effet de ce texte que toute personne morale est autorisée à installer son siège au domicile de son représentant légal et y exercer une activité.

Et si le texte réserve l’hypothèse de l’existence de dispositions législatives ou stipulations contractuelles contraires (telles, comme en l’espèce, la loi de 1948 et une clause d’habitation bourgeoise), c’est pour exclure la possibilité du locataire d’exercer son activité dans les lieux loués, mais non la faculté d’y domicilier sa société (celle-ci est toutefois alors limitée dans le temps : elle ne peut ni excéder cinq ans à compter de la création de la personne morale ni le terme légal, contractuel ou judiciaire de l’occupation des locaux). Le dernier alinéa de cet article précise par ailleurs qu’il ne peut résulter de ses dispositions ni le changement de destination de l’immeuble ni l’application du statut des baux commerciaux.

Partant, l’arrêt rapporté ne pouvait que rejeter la requête du demandeur, dès lors que le siège de l’entreprise avait été fixé au domicile du locataire moins de deux ans, qu’il n’y accueillait ni secrétariat ni clientèle, qu’il n’y avait aucune machine ni activité commerciale dans les lieux loués et que la preuve de l’existence d’un trouble lié à une telle activité n’était pas rapportée.

Auteur : Editions Dalloz - Tous droits réservés.