Com. 3 nov. 2015, FS-P+B, n° 14-14.373

L’acceptation, par le débiteur cédé, d’une cession de créance opérée par voie de bordereau « Dailly », que l’article L. 313-29 du code monétaire et financier envisage expressément, est extrêmement précieuse pour le cessionnaire. A compter de celle-ci, le débiteur cédé ne peut en effet plus se prévaloir d’une exception née de ses rapports avec le cédant (par exemple le défaut de conformité de la chose vendue) pour échapper au paiement de sa dette. En d’autres termes, cette acceptation fait bénéficier au cessionnaire de la règle de l’inopposabilité des exceptions. Mais encore faut-il qu’elle soit régulière ; à défaut, elle est privée d’effet.

Dans la présente espèce, la société Soft Air Méditerranée (le cédant), ayant exécuté des travaux en sous-traitance pour le compte de la société Dumez Méditerranée (le débiteur cédé), a cédé à une banque (le cessionnaire) des créances matérialisées par des situations afférentes à ces marchés, pour lesquelles le débiteur cédé avait émis des certificats de paiement. Le débiteur cédé a accepté ces cessions, mais à une date antérieure à celle de l’acte de cession. Assigné quelque temps plus tard en paiement par le cessionnaire, il a alors contesté la validité des actes d’acceptation. Il obtient gain de cause devant les juges du fond, le cessionnaire voyant sa demande en paiement afférente à deux des créances cédées rejetées. La Cour de cassation confirme la solution : selon elle, « après avoir constaté que les deux cessions litigieuses étaient intervenues après la date de leur acceptation par le débiteur cédé, la cour d’appel a, à bon droit, retenu que les acceptations de cessions, qui n’étaient alors pas effectives, étaient sans portée ».

Pour une troisième créance, en revanche, le débiteur cédé se voit condamner par les juges du fond à payer le montant de celle-ci au banquier cessionnaire. Les juges, après avoir constaté que la cession de cette créance avait été acceptée à une date antérieure à celle figurant sur le bordereau, retiennent que le débiteur cédé a confirmé son engagement. La Cour de cassation invalide ce raisonnement, refusant de reconnaître un quelconque effet à cette confirmation. D’après la Haute juridiction, « en statuant ainsi, alors que l’acceptation anticipée d’une cession qui n’a pas encore pris effet est sans portée et ne peut être confirmée que par un acte d’acceptation conforme aux dispositions de l’article L. 313-29 du code monétaire et financier et signé postérieurement à la date mentionnée sur le bordereau de cession, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». 

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