Com. 18 nov. 2014, FS-P+B, n° 13-13.336

La règle est connue : la cession d’une créance emporte celle de ses accessoires. Mais sa mise en œuvre peut s’avérer délicate, comme l’atteste cet arrêt du 18 novembre 2014, dans lequel l’accessoire de la créance consiste en une action en justice.

En l’espèce, une banque a, le 4 septembre 2006, consenti à une société civile immobilière (SCI) une ouverture de crédit de 1 600 000 € destinée à la réhabilitation d’un ensemble immobilier. La réalisation des travaux ayant été retardée et un incendie ayant affecté le chantier, la SCI a assigné ses assureurs, divers intervenants à l’acte de construire, leurs assureurs et la banque. La SCI a, le 17 mai 2011, cédé en garantie à la banque les créances professionnelles dont elle poursuivait le recouvrement puis, le 22 juillet 2011, fait appel du jugement du 1er juillet 2011 qui n’avait accueilli ses demandes que partiellement. Mais la cour d’appel la déclare irrecevable pour défaut de qualité à agir en toutes ses demandes.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, considérant, au moins implicitement, que l’action en justice a été cédée en même temps que la créance qui lui sert du support, de sorte que le cédant a perdu toute qualité pour agir. La solution est logique au regard de la position habituelle de la première chambre civile, mais sa portée est en réalité des plus limitées dès lors que la chambre commerciale se réfugie ici derrière l’appréciation souveraine des juges du fond pour conclure au rejet du pourvoi.

La Cour de cassation fournit une autre justification au parti adopté, qui tient au fait que l’on est en présence d’une « cession Dailly » à titre de garantie. Elle affirme, en effet, cette fois dans un attendu de principe, « qu’en cas de cession à titre de garantie d’une créance professionnelle selon les modalités prévues par les articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, seul le cessionnaire peut réclamer au débiteur le paiement total de la créance cédée, même lorsque son montant excède celui de la créance garantie, le cédant ne retrouvant ses droits à agir qu’après le remboursement intégral de la dette garantie ou la renonciation du cessionnaire à tout ou partie de la créance cédée ». L’argument ne nous semble pas totalement convaincant. Certes, aux termes du premier alinéa de l’article L. 313-24 du code monétaire et financier, « [même] lorsqu’elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d’un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée ». Le transfert de la propriété de la créance ne fait pas débat, mais même en cas de cession à titre de garantie, tant que le cessionnaire n’a pas procédé à la notification de la cession prévue par l’article L. 313-28 du même code, le cédant conserve le mandat de recouvrement au nom du cessionnaire inhérent au mécanisme de la « cession Dailly ». Toute la difficulté tient à déterminer quelle est la portée d’un tel mandat : celui-ci se limite-t-il à la demande en paiement, voire, si celle-ci se révèle infructueuse, aux démarches amiables mises en œuvre pour obtenir le recouvrement de la créance ? Va-t-il plus loin et englobe-t-il l’action en justice subséquente ? À ces deux questions, la loi n’apporte aucun éclaircissement, mais force est de constater que, à la seconde, la Cour de cassation prend nettement parti en faveur d’une réponse négative. Faut-il y voir une application, au moins implicite, de l’adage « nul ne plaide par procureur » ?

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