Com. 23 sept. 2014, F-P+B, n° 13-20.874

Il n’y a pas de droit au mensonge. Telle est la leçon à tirer d’un arrêt de la chambre commerciale du 23 septembre dernier.

Pour financer l’acquisition de plusieurs biens immobiliers vendus en l’état futur d’achèvement, plusieurs personnes ont souscrit divers emprunts, dont l’un auprès de la caisse d’épargne et de prévoyance d’Alsace, les 6 et 20 mars 1995. Après avoir prononcé la déchéance du terme de chacun de ces prêts en raison du non-paiement des échéances et la vente forcée des immeubles n’ayant pas permis d’en régler le solde, la banque a assigné, notamment, en paiement les emprunteurs, dont l’un pris tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritier de son épouse. Ceux-ci ont alors recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde et de vigilance afin d’obtenir l’extinction par compensation de la dette d’emprunt dont ils sont redevables avec la créance de dommages-intérêts dont ils se prévalent. Ils sont déboutés de leur demande et sont ainsi condamnés au remboursement de la dette d’emprunt.

Il s’est avéré, en effet, que les intéressés n’avaient pas les ressources financière suffisantes pour rembourser les emprunts contractés. Comment, dès lors, expliquer que les juges aient écarté le grief d’omission par le banquier de son devoir de mise en garde et, plus exactement, de non-respect par celui-ci de son obligation de respecter le principe de proportionnalité, le montant des crédits consentis apparaissant excessif au regard des facultés de remboursement des emprunteurs ? La jurisprudence est pourtant assez prompte à condamner le banquier dispensateur de crédit en présence d’un tel manquement. Tout simplement, parce que les emprunteurs avaient menti sur leur situation financière au moment de la souscription des emprunts litigieux. En effet, sur chacune des demandes de crédit, ils avaient attesté, par une mention manuscrite au pied de laquelle ils avaient apposé leur signature, « n’avoir aucun autre crédit en cours à titre personnel ou professionnel », ce qui était faux. Les juges du fond ont également relevé que les emprunteurs se sont engagés dans cette opération immobilière, sachant qu’ils n’en avaient pas les moyens financiers et que, sans la dissimulation de la totalité de cette opération, la banque ayant été tenue dans l’illusion que son client n’était acquéreur que d’un seul pavillon, ils n’auraient pu obtenir le crédit sollicité. Au total – et la formule mérite d’être retenue –, il leur est reproché de ne pas avoir « mis la banque en mesure de constater l’existence d’un risque né de l’octroi du crédit ». Il apparaît que la banque peut se fier à la déclaration du client, même erronée, et n’a pas besoin de procéder à des investigations sur la situation financière véritable de celui-ci avant de se décider à l’octroi ou non d’un crédit. Tel est donc le droit positif, qui se recommande de la règle –  teintée de morale – nemo auditur (Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude)…  

Néanmoins, si le « fichier positif », qui devait recenser tous les crédits à la consommation accordés aux particuliers et qui avait été inscrit dans la loi Hamon sur la consommation avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel, voit finalement le jour, cette jurisprudence sera bien entendu caduque.

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