Civ. 3e, 19 mai 2016, FS-P+B, n° 15-11.441

Un immeuble avait été revendu par lots à diverses sociétés. À la suite de l’annulation de la vente initiale et des trois reventes subséquentes, ces sociétés assignèrent le vendeur et les notaires en indemnisation de leurs préjudices. Les établissements de crédit qui leur avaient octroyé des prêts immobiliers intervinrent volontairement à l’instance. La cour d’appel condamna les notaires in solidum avec les acheteurs à réparer le préjudice résultant pour les banques de l’annulation des prêts.

L’arrêt fait, sans surprise, l’objet d’une cassation partielle au visa de l’article 1382 du code civil. La troisième chambre civile affirme que « la restitution du capital restant dû à la banque, résultat de l’anéantissement du contrat de prêt, ne constitue pas, en elle-même, à l’inverse de la perte des intérêts conventionnels, un préjudice réparable ».

Le principe selon lequel les restitutions consécutives à la résolution ou à l’annulation d’un contrat ne sont pas des préjudices réparables est désormais classique. Le préjudice est en effet défini par la doctrine comme « la lésion d’un intérêt », qu’il soit patrimonial ou extrapatrimonial. Le préjudice réparable est conçu en droit français de manière extrêmement large : il n’existe pas de liste limitative, tous les préjudices étant pris en compte dès lors qu’ils sont personnels, certains, directs et légitimes. Encore faut-il toutefois que la victime prouve une perte faite ou un gain manqué. Tel n’est pas le cas concernant les restitutions dues à la suite de l’anéantissement d’un contrat synallagmatique, lesquelles n’engendrent en principe aucune perte du fait de leur réciprocité.

D’abord posée en matière de vente, la règle a été étendue, de manière plus surprenante, au contrat de prêt. La restitution des intérêts perçus par le prêteur n’est pourtant compensée par aucune restitution réciproque. Il est donc nécessaire de distinguer le capital des intérêts conventionnels, ce que la troisième chambre civile fait clairement en l’espèce. Si la restitution du premier ne saurait être considérée comme un préjudice réparable, il n’en est pas de même des intérêts perdus par l’établissement de crédit. Il existe au minimum un préjudice de perte de chance pour la banque les concernant. 

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