Com. 30 oct. 2012, F-P+B, n° 11-23.034

Une cour d’appel peut rejeter la demande d’indemnisation du préjudice que l’emprunteur invoque à raison du comportement fautif de la banque à l’égard de la société dont il était gérant dès lors qu’elle a fait ressortir l’absence d’un intérêt personnel à agir de l’emprunteur sans subordonner la recevabilité de l’action à la preuve d’un préjudice personnel.

Une banque consent à un emprunteur un prêt personnel hypothécaire de 45 000 € destiné à un apport en compte courant dans la société dont il était le gérant, un crédit-relais de 150 000 € dans l’attente de l’encaissement par la société d’une créance litigieuse sur une société italienne et un prêt immobilier de 100 000 €. Elle consent également divers concours à la société. L’emprunteur ne pouvant plus rembourser, la banque lui délivre un commandement valant saisie immobilière et l’assigne à l’audience d’orientation. À son tour, l’emprunteur assigne la banque en responsabilité pour rupture abusive des crédits accordés tant à lui-même qu’à la société et pour application sur leurs comptes de frais de forçage, comportements fautifs à l’origine de ses difficultés financières. Ses demandes sont rejetées. La Cour de cassation avait à examiner deux points : d’abord, la recevabilité d’une action en réparation d’un préjudice par ricochet, ensuite l’action en responsabilité contre la banque pour ne pas avoir inclus les frais de forçage dans le taux effectif global (TEG).

L’intérêt à agir - Traditionnellement on enseigne que le droit d’agir en justice appartient à celui qui trouve intérêt au succès ou au rejet de la prétention formulée. L’existence d’un intérêt ne se confond pas avec celle du droit invoqué. Autrement dit, l’existence de ce droit n’est pas une condition de recevabilité de la demande. L’intérêt à agir ne saurait donc être subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action ; l’existence du préjudice invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.

Sauf exception, l’intérêt du demandeur est la condition nécessaire et suffisante de l’existence du droit d’agir. Il implique qualité. L’intérêt doit être personnel, né et actuel. En principe, nul ne peut défendre les intérêts d’autrui. Aussi, une partie ne peut-elle exercer en son nom propre une action engagée conjointement avec une société, lorsque l’action ne tend qu’à obtenir la réparation du préjudice subi par cette société. Or, en l’occurrence la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir décidé que « d’un côté, sauf à méconnaître la règle selon laquelle “nul ne plaide par procureur”, l’emprunteur, quelle que soit sa qualité, ne peut se substituer à la société pour intenter en ses lieu et place une action en responsabilité contre la banque de l’entreprise qui lui permettrait d’obtenir réparation d’un préjudice personnel prenant sa source dans celui subi par la société [préjudice par ricochet], et de l’autre, que la recevabilité de l’action en responsabilité engagée par un associé à l’encontre d’un cocontractant de la société est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même et qu’en l’espèce, la banque n’a pas commis de faute à l’égard de la société, susceptible d’engendrer un préjudice personnel pour l’emprunteur, de sorte que toutes les demandes fondées sur les relations entre la banque et la société sont irrecevables ». Pour la Cour, les juges d’appel n’ont nullement subordonné la recevabilité de l’action à la preuve d’un préjudice personnel, mais ont simplement fait ressortir l’absence d’un intérêt personnel à agir de l’emprunteur.

La responsabilité de la banque dans la fixation du TEG - La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de dommages-intérêts de l’emprunteur fondée sur la faute alléguée de la banque pour ne pas avoir inclus les frais de forçage dans le taux effectif global. Tout simplement parce que la sanction d’un taux effectif global erroné est la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel et non par le paiement de dommages-intérêts. Or, ici, l’exacte sanction n’avait pas été sollicitée par l’emprunteur. 

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