Com. 9 févr. 2022, n° 20-17.551

Une personne physique conclut une promesse d’achat portant sur un immeuble sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt. Le prêt est débloqué en novembre 2009 par un établissement bancaire grâce à un courtier en opérations de crédit. Toutefois, malgré la réalisation de la condition suspensive, le promettant refuse de signer l’acte notarié le 19 janvier 2010 au motif que le prêt était excessif au regard de ses capacités financières. Les vendeurs et l’agence immobilière par l’intermédiaire de laquelle la promesse d’achat a été conclue décident d’assigner le promettant en réparation de leur préjudice respectif. Le promettant est alors condamné au paiement de 10 000 € de dommage-intérêts au profit des vendeurs pour rupture fautive du contrat de vente, et à 7 000 € de dommages-intérêts au profit de à l’agence immobilière en réparation de la perte de chance de percevoir une commission.

 Aussi assigne-t-il en responsabilité délictuelle le courtier en opérations de crédit et l’établissement bancaire, sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. Cette action est cependant déclarée prescrite par les juges du fond. Ceux-ci soulignent que, contrairement à ce qu’affirme le promettant, le dommage ne résulte pas des décisions de justice l’ayant condamné au versement de dommages-intérêts consécutivement à son refus de signer l’acte de vente final : il résulte de l’octroi du crédit et de ses conséquences juridiques et financières dont le demandeur a eu connaissance dès le mois de novembre 2009. Au jour des assignations introduites les 19 et 22 décembre 2014, l’action en responsabilité délictuelle était donc prescrite de quelques semaines. 

 

 

 

 

La Cour de cassation exerce sa censure, rappelant que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (art. 2224 du code civil). Elle retient que « alors que le dommage dont [le promettant] demandait réparation ne s’était pas manifesté aussi longtemps que les vendeurs et l’agent immobilier n’avaient pas, en l’assignant, recherché sa propre responsabilité, soit au plus tôt le 3 septembre 2010, de sorte que, à la date des assignations qu’il a lui-même fait signifier à la banque et au courtier, les 19 et 22 septembre 2014, la prescription n’était pas acquise ».

 

 

 

 

En d’autres termes, le dommage résultant de l’octroi du crédit n’a pu se matérialiser qu’au moment de la première assignation en dommages-intérêts, le 3 septembre 2010. Dès lors, aux 19 et 22 septembre 2014, l’action en responsabilité délictuelle du promettant envers la banque - action visant à réparer le préjudice subi par la condamnation du promettant au paiement de dommages-intérêts - n’était pas prescrite. En somme, puisque le crédit était inadapté à ses ressources, il n’avait d’autre choix que de refuser de signer l’acte de vente, ce qui avait conduit à la cristallisation d’un litige avec les bénéficiaires de la promesse d’achat.

 

 

 

 

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