Soc. 25 sept. 2012, FS-P+B, n° 10-18.800

Le montant des dommages-intérêts alloués au salarié en raison d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne doit être exclu de l’assiette de calcul du délai de carence spécifique que pour la part correspondant au minimum fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail.

La perception de l’allocation d’aide au retour à l’emploi est souvent susceptible d’être retardée. Outre un délai d’attente de sept jours et éventuellement un délai de carence calculé sur le montant des indemnités compensatrices de congés payés versées par le dernier employeur (art. 30, § 1, règlements annexés à la convention du 1er janv. 2001 et à la convention du 1er janv. 2004 relatives à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage ; dénommé « différé d’indemnisation » à l’article 21 du règlement annexé à la convention du 19 févr. 2009 relative à l’indemnisation du chômage et à la convention du 6 mai 2011 relative à l’indemnisation du chômage), le salarié peut également se voir imposer un délai de carence spécifique, d’une durée maximum de soixante-quinze jours, lorsqu’il perçoit une somme inhérente à la rupture du contrat de travail et dont le montant et les modalités de calcul ne résultent pas directement de l’application d’une disposition législative (art. 30, § 2, règl. préc. ; délai dénommé « différé d’indemnisation spécifique » dans les règlements ultérieurs [art. 21]).

La Cour de cassation n’a eu que rarement à se prononcer sur l’assiette de calcul de ce délai de carence spécifique mais elle a tout de même pu statuer sur la prise en compte des indemnités pour licenciement abusif versées sur le fondement de l’article L. 1235-5, alinéa 2, du code du travail. Dans l’hypothèse où le salarié, dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, n’a pas atteint deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, il perçoit une indemnité qui, parce qu’elle est seulement fonction du préjudice subi, est souverainement évaluée par les juges et, partant, intégrée dans le calcul du délai de carence spécifique.

Pour la première fois, la Cour de cassation tranche la question de la prise en compte de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse versée sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail qui, contrairement à celle de l’article L. 1235-5 du même code, est, de par la loi, d’un montant minimum s’élevant aux salaires des six derniers mois précédant la rupture. Elle considère que le montant des dommages-intérêts alloués au salarié ne doit être exclu de l’assiette de calcul du délai de carence spécifique que pour la part correspondant au minimum fixé par l’article L. 1235-3 du code du travail.

La solution est logique dans la mesure où l’indemnité due en raison de l’absence de cause réelle et sérieuse est, selon l’article L. 1235-3 du code du travail, toujours au moins pour partie fonction de la rémunération brute antérieurement perçue par le salarié et calculée sur la base d’un nombre de mois de salaires. Or, l’article 30 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004 se réfère expressément à la détermination par la loi du montant ou des modalités de calcul de la somme inhérente à la rupture. C’est d’ailleurs ce qui fait que le présent arrêt était parfaitement prévisible. Celui-ci rejoint d’ailleurs les interprétations faites par l’administration des différents règlements annexés aux conventions relatives à l’indemnisation du chômage qui se sont succédé depuis 2004 (Circ. Unédic n° 04-09, 14 avr. 2004, fiche 5, § 1.1.2., pp. 57 et 58 ; Circ. Unédic n° 2009-10, 22 avr. 2009, fiche 5, § 1.1.2.1., pp. 50 et 51 ; Circ. Unédic n° 2011-25, 7 juill. 2011, fiche 5, §1.1.2.1., pp. 67 et 68).

La Cour tire toutes les conséquences de cette prise en compte partielle de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié devra restituer, comme en l’espèce à l’Assedic, les allocations d’aide au retour à l’emploi versées durant le délai de carence spécifique pourtant fixé postérieurement. D’où une action en répétition de l’indu dont la mise en œuvre est parfaitement justifiée puisque la dette dont l’Assedic s’est acquitté a ultérieurement et rétrospectivement disparue. Cela permet de fournir un exemple peu contestable d’indu objectif et ultérieur. Il convient, cependant, de remarquer que le visa adopté par la Cour ne correspond pas exactement au fondement de la répétition de l’indu. Si l’article 1235 du code civil a bien sa place dans l’arrêt en ce qu’il pose le principe de la répétition de la dette qui a été payée sans être due, il est difficile, en revanche, de voir l’utilité de l’article 1276 du même code dans la résolution du litige. Cette disposition est relative aux effets de la délégation qui emporte novation par changement de débiteur. Or, en l’espèce, aucun rapport d’obligation ne vient se substituer à un autre et il n’est pas fait mention de la volonté de l’un quelconque des protagonistes en cause, qu’il s’agisse de l’employeur, du salarié ou de l’Assedic, d’opérer, conformément à l’article 1275 du code civil, novation d’un rapport d’obligation initial. L’article 1376 du même code serait, en revanche, davantage approprié puisqu’il traite de la répétition des sommes qui ont été versées indûment. Peut-être s’agit-il d’une erreur matérielle qu’il serait préférable que la Cour corrige car elle est durablement inscrite dans ses arrêts.

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