Civ. 1re, 19 févr. 2013, FS-P+B+I, n° 12-12.798

L’apparition de termes diffamatoires dans les requêtes semi-automatiques affichées par le service « Google suggest » n’entraîne pas la responsabilité de Google qui peut se prévaloir de sa bonne foi dans la mesure où la fonctionnalité du procédé de recherche utilisé, renvoyant seulement à des commentaires d’un dossier judiciaire publiquement débattu, permet de retenir la prudence dans l’expression et le sérieux de l’enquête. 

Ayant constaté que, lors de la saisie des termes « pierre X » sur le service « Google suggest », les mots ou propositions de requêtes « viol », « condamné », « sataniste », « prison » et « violeur » apparaissaient à la suite de son nom dans la rubrique recherches associées, M. X… assigna la société Google Inc., directeur de la publication du site internet Google.fr ainsi que la société Google France du chef de diffamation. Il fut débouté de toutes ses demandes devant la cour d’appel de Paris qui retint la bonne foi de l’entreprise américaine et mit hors de cause « Google France ».

Dans son pourvoi, M. X… contestait la reconnaissance de la bonne foi de Google Inc. et donc une violation de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 relatif à la diffamation. Reprenant les éléments constitutifs du fait justificatif de bonne foi (V. les réf. citées sous l’art. 29, L. 29 juill. 1881, C. pén. Dalloz, Appendice), il prétendait que la cour d’appel n’avait caractérisé ni la condition de mesure ou de prudence dans l’expression des requêtes semi-automatiques affichées, ni celle imposant un travail sérieux d’enquête préalable à toute publication, estimant notamment que le simple renvoi à des sites traitant de l’information faisant l’objet des items diffamatoires ne pouvait suppléer cette seconde condition.

La première chambre civile rejette ce moyen, estimant que la cour d’appel « a retenu à bon droit que les critères de prudence dans l’expression et de sérieux dans l’enquête se trouvaient réunis au regard du procédé de recherche dont la fonctionnalité se bornait à renvoyer à des commentaires d’un dossier judiciaire publiquement débattu ». Autrement dit, le seul renvoi à des commentaires, publiés par ailleurs, concernant une affaire judiciaire ayant fait l’objet d’un débat public – d’aucuns diront d’un débat d’intérêt public ou général– suffit à établir la prudence de Google dans son expression et le sérieux de son enquête et donc à faire perdre aux publications litigieuses leur caractère diffamatoire. La concision de la formule employée par la Cour de cassation a de quoi laisser perplexe, dans un domaine où, précisément, les conditions de la bonne foi, qui impliquent une analyse concrète – et éminemment subjective – des circonstances ayant présidé à la publication de propos revêtant un caractère diffamatoire, sont généralement âprement discutées devant les juges du fond. Les spécificités de l’espèce, où le choix « éditorial » est certes opéré par Google mais par le biais d’un moteur de recherche, l’expliquent sûrement. Il n’en demeure pas moins que les critères traditionnels de la bonne foi apparaissent ici assez inadaptés. Ce qui semble emporter la solution, et la reconnaissance de la bonne foi de Google, c’est, en définitive, la qualité « objective » des informations (« commentaires d’un dossier judiciairement débattu ») et du sujet traité auxquels les items diffamatoires renvoyaient.

Le pourvoi contestait également la mise hors de cause de Google France, en invoquant notamment les statuts et conditions d’utilisation des services Google qui associeraient directement la filiale française à la promotion et à la diffusion de « Google suggest », et le fait que les coordonnées des deux sociétés sont indiquées sans distinction d’attribution sur le site litigieux. Ce moyen est également rejeté. Adoptant les motifs de la cour d’appel, la Cour de cassation se contente ici de préciser que la société Google France n’avait pas de responsabilité directe dans le fonctionnement du moteur de recherche ni dans le site google.fr et qu’elle n’était pas concernée par l’élaboration des items incriminés.

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