Paris, 9 nov. 2012, n° 11/23316

Les nombreuses reprises d’informations émanant du site web d’un journal offrent à l’éditeur du site web qui les exploite une matière non négligeable sans laquelle il ne saurait aussi bien prospérer. Le second site web adopte ainsi un comportement parasitaire lui permettant de tirer profit des efforts du premier tendant ainsi à s’approprier illégitimement une notoriété préexistante.

Les contenus originaux sont le sang frais de l’internet. Ce qui explique que des vampires traînent sur les réseaux. Il est évidemment plus facile de copier que de créer et l’on trouve d’indélicats éditeurs qui reprennent sur leurs sites web des contenus qu’ils trouvent par ailleurs, en y associant de la publicité destinée à « monétiser » ces sites. Le plus important des moteurs de recherche pénalisant par un moins bon référencement les sites qui se contentent de dupliquer l’existant, se trouvent d’autres éditeurs qui prospèrent en phagocytant ce qui a été publié par des tiers, moyennant quelques modifications. C’est ce type de pratique qu’a attaqué la société éditrice du journal Le Point, en assignant en contrefaçon de droit d’auteur, de marque et en concurrence déloyale un site qui avait repris « intensivement » (ce sont ses propres termes) plusieurs de ses articles. L’arrêt rendu est intéressant à divers titres.

Le demandeur avait attaqué à la fois la société exploitant le site et son dirigeant (dont le nom de domaine reprend l’identité), expliquant n’avoir pu correctement identifier qui était l’éditeur. S’il indique que les mentions légales du site n’étaient pas claires, le demandeur n’est visiblement pas allé jusqu’à vouloir obtenir sanction sur le fondement des articles 6, III, et 6, VI, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 qui prévoient une sanction pénale quand les mentions légales sont inexistantes ou incomplètes. Au vu des informations contenues dans la rubrique « Copyright » du site litigieux, qui donnaient les coordonnées du titulaire des droits d’auteur, les juges vont considérer que c’est la responsabilité de ce dernier qui doit être recherchée et mettre hors de cause l’autre personne attraite (en l’occurrence, le gérant).

Il est singulier, d’ailleurs, de trouver une mention « Copyright » sur un site dont le demandeur prétend qu’il viole ses droits d’auteur ! Si le défendeur n’a pas nié avoir repris plusieurs articles émanant du Point, il conteste que tous aient pu faire naître des droits de propriété intellectuelle, pointant l’absence d’originalité. La cour d’appel rejoint son appréciation, qui considère qu’au nombre des articles visés dans l’assignation, figuraient « des brèves de deux ou trois phrases dont la teneur sans prétention littéraire ne permet à leur auteur, au demeurant inconnu, de manifester un effort créatif lui permettant d’exprimer sa personnalité ». Les juges étant habituellement très lâches dans l’appréciation de l’originalité (A. Bertrand, Droit d’auteur, Dalloz, 2010, § 103.37 s.), un tel attendu apporte un peu de fraîcheur. Ce ne sont pas seulement les idées qui sont de libre parcours ; les informations le sont également.

La reprise de ces informations s’accompagnait systématiquement de la mention de la marque Le Point, ce dont le titulaire faisait le reproche au défendeur qui protestait de son obligation légale de citer la source, en vertu de l’article L. 122-5, 3°, du code de la propriété intellectuelle. Séduits par l’argumentation, les juges rejettent le grief de contrefaçon de marque par reproduction. En toute logique, pourtant, ayant précédemment écarté l’existence de droits d’auteur, ils ne pouvaient se fonder sur un texte dont l’application suppose l’existence d’une œuvre. Ceci étant, au regard des seules dispositions régissant les marques, la citation de la marque Le Point ne paraissait pas illicite, en l’espèce.

Justifiées au regard des règles de la propriété intellectuelle, ces mentions de la source des informations n’autorisent pour autant pas de s’y abreuver impunément, en se contentant de les commenter sommairement. C’est, en substance, ce que juge la cour qui écrit qu’« il ne suffit pas d’ouvrir une brève par la mention selon le journal Le Point… pour s’autoriser le pillage quasi systématique des informations de cet organe de presse ». Elle sanctionne pour parasitisme, mettant en balance les investissements consacrés par le demandeur à la production d’informations et non supportés par le défendeur. 

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