ADLC 14 mai 2013, Sanofi, n° 13-D-11

Dans une décision du 14 mai 2013, l’Autorité de la concurrence vient de sanctionner Sanofi-Aventis à hauteur de 40,6 millions d’euros pour abus de position dominante caractérisé par des comportements systématiques visant à dénigrer ses concurrents auprès des professionnels de la santé.

 

En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a considéré que Sanofi-Aventis était en position dominante sur le marché français du clopidogrel (principe actif contenu dans certains médicaments) délivré aux médecins en ville. Le clopidogrel est une molécule commercialisée notamment par Sanofi sous le nom de Plavix. Ce médicament, utilisé entre autres pour prévenir les accidents thrombo-emboliques artériels, est le quatrième médicament le plus vendu au monde avec plus de 115 millions de patients traités dans 115 pays depuis 1998. En 2008, le Plavix a généré plus de 550 millions d’euros de chiffre d’affaires constituant, pour cette même année, le premier poste de remboursement de l’Assurance maladie pour un montant de 625 millions d’euros. L’arrivée des génériques était donc très attendue par le ministère de la Santé qui prévoyait une économie de 200 millions d’euros en 2010.

Sanofi a commercialisé son médicament Plavix pendant dix ans et a perdu son monopole de commercialisation en 2009. À l’occasion du lancement des médicaments génériques, Sanofi a développé une stratégie de dénigrement par un discours public et des argumentaires commerciaux à destination des pharmaciens et des médecins remettant en cause la substituabilité de son médicament.

Dans sa décision du 14 mai 2013, l’Autorité de la concurrence explique le contexte particulièrement sensible dans lequel les pratiques de dénigrement ont eu lieu. Elle distingue le marché des médicaments des marchés d’autres produits ou services en observant que les professionnels de la santé sont particulièrement prudents lors de la prescription de nouveaux médicaments. En effet, dans ce domaine, un doute instillé sur « les qualités intrinsèques d’un médicament peut suffire à le discréditer immédiatement » (pt 376). L’Autorité considère qu’en général, la preuve d’un dénigrement peut résulter de l’existence de pièces incontestables mais aussi « d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, apprécié globalement et constitué par diverses pièces », qui peuvent être rapprochés d’autres éléments de preuve comme les témoignages (pt 379). Ces indices peuvent être de différentes natures. En l’espèce, la décision détaille les éléments mis en lumière par l’enquête de l’Autorité. Celle-ci s’est fondée sur des témoignages de professionnels de la santé, des éléments transmis par des groupements de pharmaciens, des remontées de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et un témoignage scientifique.

Dans les faits, Sanofi soutenait que les nouveaux génériques contenaient « des sels différents de clopidogrel » (pt 446) sans préciser les éventuelles propriétés chimiques ou médicales nocives de ces autres produits. Or l’enquête de l’Autorité de la concurrence a révélé qu’il s’agissait précisément du sel d’hydrogénosulfate de clopidogrel protégé par un brevet. Dans la molécule des génériques, le principe actif, c’est-à-dire le clopidogrel, avait été fixé grâce à d’autres molécules, le bésilate ou le chlorhydrate de clopidogrel. Celles-ci présentaient des propriétés thérapeutiques similaires et sans danger pour la santé des patients.

L’Autorité de la concurrence en déduit que la communication avancée par Sanofi présente un caractère trompeur et retient que l’entreprise pharmaceutique s’est « érigée […] en juge de l’efficacité et de l’innocuité des produits de ses concurrents nouvellement arrivés sur le marché » malgré l’autorisation de mise sur le marché accordée par les autorités sanitaires françaises. Elle considère que cette entreprise a mobilisé sa puissance pendant cinq mois, de septembre 2009 à janvier 2010, pour fermer l’entrée de ses concurrents sur le marché du clopidogrel commercialisé en ville.

Il est important de relever que, dans la décision du 14 mai 2013, les comportements constitutifs de dénigrement, qui ont eu pour effet d’empêcher l’entrée sur le marché de concurrents et ont été commis par une entreprise en position dominante sur ce marché, ont été considérés, pour la première fois par l’Autorité de la concurrence, comme constituant un abus de position dominante contraire aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le lien entre dénigrement abusif est position dominante est donc bien constitué.

 

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