Civ. 1re, 5 févr. 2014, F-P+B+I, n° 12-25.748

 

Par cet arrêt, la Cour de cassation a dû à nouveau traiter de la question débattue de la validité d’une vente d’un matériel informatique comportant, d’origine, divers logiciels préinstallés.

En effet, le combat visant à voir reconnaître le droit aux clients à pouvoir acheter un ordinateur « nu », sans devoir supporter les coûts liés au logiciel préinstallé, fut d’abord mené sur le terrain de la vente liée. La jurisprudence a toutefois considéré que, nonobstant le caractère lié de la vente, celle-ci n’avait pas à être prohibée car conçue dans l’intérêt du consommateur.

S’interrogeant quant à l’existence d’une pratique commerciale déloyale, il a été jugé que le détaillant doit informer le consommateur sur les prix respectifs du matériel et des programmes, ces informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’applications, étant de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause. Un tel désir avait déjà été formulé par le secrétaire d’Etat chargé de l’industrie et de la consommation.

Interpellé à nouveau en 2011 sur la question, le secrétaire d’État chargé de la prospective et du développement de l’économie numérique a précisé que l’affichage séparé des prix des différents composants a été globalement mis en œuvre par les distributeurs. Il a en outre réaffirmé que la vente d’un ordinateur équipé d’un OS préinstallé n’est plus illicite par principe depuis 2009, rappelant la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Il a encore ajouté que le fait de vendre des ordinateurs équipés d’un tel système d’exploitation ne constitue pas une pratique commerciale déloyale dès lors que le consommateur est informé de son intégration dans l’ordinateur.

S’agissant de la possibilité offerte au client, au-delà de son information, d’acquérir un ordinateur « nu », des auteurs s’étaient interrogé sur un éventuel dévoiement du droit des pratiques commerciales déloyales. Le risque était, selon eux, d’aboutir « à ce que ce corpus soit employé non pas pour interdire certaines techniques de commercialisation mais pour imposer la création de certaines offres commerciales, en l’occurrence la vente d’ordinateurs nus ».

La Cour de cassation a toutefois tempéré ces craintes. Dans un arrêt du 12 juillet 2012, elle a ainsi refusé de considérer, à propos de la vente d’ordinateurs en ligne, que celle-ci ne constituait pas une pratique commerciale déloyale, dès lors que le client avait la possibilité d’acquérir, sur un site internet lié, cet ordinateur nu, c’est-à-dire sans le logiciel préinstallé.

Dans le présent arrêt, la Cour confirme une telle tendance et va même plus loin. Au visa de l’article L. 122-1 du code de la consommation, interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, elle censure la décision des juges du fond ayant retenu l’existence d’une pratique commerciale déloyale sans toutefois avoir constaté l’impossibilité, pour le client, de se procurer un ordinateur « nu » identique auprès du fabricant.

En d’autres termes, si le fabricant doit toujours indiquer les prix respectifs des divers composants, il n’est pas tenu de guider le client vers une offre « nue », par exemple par le biais d’un lien hypertexte sur son site internet. C’est au client de rapporter la preuve qu’il lui était impossible de commander – auprès du fournisseur qu’il aura lui-même contacté – un tel ordinateur.

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