Com. 29 janv. 2013, F-P+B, n° 11-23.676

En cas de cession de la totalité des parts sociales ou de changement des dirigeants d’une société, le principe de l’autonomie de la personne morale par rapport à la personne de ses associés ou de ses dirigeants aboutit au maintien de la personne morale et, sauf stipulation particulière du contrat, au maintien de l’accord précédemment passé avec cette société.

Un concédant, apprenant la cession totale du capital social de son contractant et le changement de son dirigeant, avait entendu mettre un terme à la relation contractuelle. Il estimait qu’un contrat de distribution étant un contrat intuitu personae par nature, la rupture ne pouvait être qualifiée ni d’abusive ni de brusque.

La Cour de cassation vient ici opportunément rappeler qu’une stipulation explicite d’intuitu personae présente un intérêt certain pour celui qui veut se prévaloir de cette caractéristique (V. en matière de fusion, Com. 13 déc. 2005, Bull. civ. IV, n° 255). Sans remette en cause le caractère intuitu personae de ce type de contrat, les hauts magistrats soulignent qu’en l’absence d’une stipulation particulière régissant soit la cession de la totalité des parts ou actions de la société, soit la personne des dirigeants et autorisant la rupture dans de telles hypothèses, le principe d’autonomie de la personne morale fait que cette dernière reste inchangée, la relation contractuelle devant alors être maintenue. 

Abusive, la rupture est également brutale puisque le concédant, dès la lettre notifiant la cessation du contrat, demandait au distributeur de ne plus faire usage ni de la marque ni du logo sous licence, et décidait de maintenir les conditions d’achats et de règlements à titre provisoire « dans l’attente d’une rencontre entre les parties », alors que les relations commerciales entre les partenaires avaient duré dix ans. Soulignant que l’adéquation du préavis à la durée de la relation commerciale s’apprécie à la date à laquelle l’auteur de la rupture notifie son intention d’y mettre fin, la Cour de cassation ne peut que constater son insuffisance, le préavis étant inexistant à l’égard de l’usage de la marque et incertain à l’égard des conditions d’approvisionnement qui, dans les faits, n’auront perduré que l’espace de cinq mois.

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