Com. 18 oct. 2017, F-P+B, n° 16-19.120

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rapporté, l’Autorité de la concurrence s’était saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur des déménagements des personnels militaires en Martinique. Considérant en particulier que trois sociétés avaient commis une entente en infraction des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, elle a infligé une sanction pécuniaire de 142 600 € à l’une d’elles et de 158 450 € à sa société mère détenant 99,6 % de son capital, dont 142 600 € solidairement avec sa filiale. La société mère a formé un recours contre cette décision, mais celui-ci a été rejeté par la cour d’appel de Paris. Son pourvoi en cassation n’est pas davantage couronné de succès.  

En premier lieu, la Cour de cassation s’est penchée sur la question de l’imputabilité de la sanction à la société mère. Sur ce point, elle rappelle la solution classique : « dans le cas où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant enfreint les règles de concurrence, la présomption réfragable selon laquelle la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale, peut être renversée par la preuve contraire, rapportée par la société mère, prenant en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui les unissent, établissant que sa filiale se comporte de manière autonome sur le marché et ne constitue donc pas avec elle une unité économique ». La Cour estime qu’en l’espèce, il n’y a pas lieu de procéder à un reversement de la présomption d’influence déterminante de la société mère sur sa filiale. Sont notamment relevés : le fait que la diversité des activités, la configuration du groupe et l’éloignement géographique de la société mère sont indifférents ; le fait que si la filiale dispose de sa propre direction locale et de ses propres moyens, cela ne prouve pas qu’elle définit son comportement sur le marché de façon autonome ; ou encore  le fait que la filiale ne détient pas de service juridique propre et recourt aux services de celui de la société holding, ce qui constitue un lien personnel entre les deux entités.

En second lieu, il s’agissait de savoir si la société mère pouvait bien se voir infliger une sanction pécuniaire d’un montant supérieur à celui de sa filiale. Et la réponse est positive, selon les juges du fond et la haute juridiction, dès lors que la société mère ne bénéficiait pas de la procédure de non-contestation des griefs, contrairement à sa filiale. Pour rappel, la procédure de non-contestation des griefs (remplacée en 2015 par la transaction, non encore applicable ici) offrait la possibilité aux entreprises mises en cause dans une affaire d’entente ou d’abus de position dominante de renoncer à contester les griefs notifiés par l’Autorité de la concurrence, et éventuellement de prendre des engagements pour l’avenir, en contrepartie d’une réduction de la sanction. Cet arrêt nous montre ainsi que l’appartenance d’une société ayant bénéficié d’une telle procédure à un groupe de sociétés est sans incidence : l’engagement de non-contestation a été pris par la seule filiale, et la réduction de la sanction décidée par l’Autorité ne bénéficie qu’à elle.

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