Com. 24 sept. 2013, FS-P+B, n° 12-19.790

Cet arrêt est une illustration de la notion de dénigrement, qui, elle-même, est une application de la théorie de la concurrence déloyale.

Il est question d’une société qui fabrique et commercialise des appareils fonctionnant au gaz et les cartouches correspondantes. Cette société a envoyé à plusieurs de ses concurrents une lettre recommandée avec avis de réception pour les informer de la prétendue non-conformité avec une directive européenne, précisément la directive européenne 1999/36 du 16 juin 2010 relative aux équipements sous pression transportables, de certaines cartouches qu’ils commercialisaient. N’appréciant visiblement guère les donneurs de leçons, deux des sociétés destinataires de la lettre ont estimé que celle-ci visait des produits qu’elles commercialisaient et agissent en conséquence en concurrence déloyale par dénigrement. Elles obtiennent gain de cause devant les juges du fond qui condamnent l’auteur de la missive à des dommages-intérêts. Ils ordonnent, en outre, la publication d’un bandeau couvrant partiellement la page d’accueil des sites de la société auteur de la lettre dédiés à ses services pendant deux mois et d’un communiqué dans deux revues à ses frais. L’auteur de la lettre forme alors un pourvoi dans lequel il invoque l’exception de vérité, plus précisément l’idée selon laquelle ne serait pas constitutive d’un dénigrement fautif l’information exacte et donnée, en termes mesurés, à la société qui commercialise un produit sous sa marque, faisant état du défaut de conformité de ce produit aux normes en vigueur. La Cour de cassation rejette avec force cet argument, en affirmant, dans un attendu de principe que « la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement, peu important qu’elle soit exacte », ce qui était visiblement le cas, en l’occurrence.

La solution n’est pas nouvelle. Contrairement à ce qui est admis en matière de diffamation, l’exceptio veritatis n’est pas, en principe, retenue dans le cadre du dénigrement.

Par ailleurs, et comme souvent en concurrence déloyale, la fixation du montant des dommages-intérêts pose difficulté, le préjudice concurrentiel étant particulièrement délicat à évaluer. On observera que la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond selon lesquels, conformément au droit commun de la responsabilité, les dommages-intérêts alloués doivent comprendre à la fois la perte subie par les victimes et le gain dont elles ont été privées, ce qui correspond respectivement au retour des marchandises (que les fournisseurs devront racheter) et à l’arrêt des commandes pour l’avenir. Quant au montant en lui-même des dommages intérêts, il est fixé souverainement par les juges du fond à 25 000 euros. S’agissant de la publication de la décision, elle est jugée appropriée par la Cour de cassation comme mode de réparation du préjudice d’image dont ont souffert les sociétés dénigrées ; elle est même assimilée par la Cour régulatrice à une réparation en nature, ce qui est, somme toute, original.

 

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