Soc. 23 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-13.792

L’inscription d’un établissement sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante ne dispense pas l’employeur de son obligation, dont l’objet et la finalité ne sont pas les mêmes, de remettre au salarié une attestation d’exposition à l’amiante à son départ de l’établissement.

Une société industrielle a été mise en liquidation judiciaire. Le mandataire liquidateur a licencié l’ensemble des salariés et a refusé de leur délivrer une attestation d’exposition à l’amiante prévue par l’article 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante. La cour d’appel saisie du litige par deux syndicats ainsi que cent cinquante-quatre salariés a condamné le liquidateur judiciaire à remettre sous astreinte à chacun des salariés l’attestation.

Le liquidateur forme un pourvoi car il estime que l’ajout de l’établissement dans lequel les salariés ont travaillé à la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, par arrêté ministériel du 1er août 2001, le dispensait d’établir des documents attestant d’une exposition à l’amiante dont la réalité résultait suffisamment de ce seul ajout. Selon lui, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, instaurant une allocation de cessation anticipée d’activité versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, et 16 du décret n° 96-98 du 7 février 1996 précité. Le pourvoi est logiquement rejeté.

La Cour indique que l’objet et la finalité de l’inscription d’un établissement sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante ne sont pas les mêmes que ceux qui président à la remise au salarié d’une attestation d’exposition à l’amiante à son départ de l’établissement. En effet, cette dernière se distingue par le fait qu’elle permet au salarié qui a été exposé à l’amiante de demander, selon l’article D. 461-23 du code de la sécurité sociale, à bénéficier sur sa demande, d’une surveillance médicale postprofessionnelle tous les cinq ans. Cet intervalle de cinq ans peut être réduit après avis favorable du médecin-conseil. Elle permet en outre, en application des dispositions de l’article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, à ce même salarié dès lors qu’il est inactif, demandeur d’emploi ou retraité, de bénéficier d’une surveillance médicale postprofessionnelle prise intégralement en charge par la caisse primaire d’assurance maladie ou une organisation spéciale de sécurité sociale.

Il convient de signaler que le cadre légal et règlementaire applicable a été quelque peu modifié, l’article R. 4412-58 du code du travail en vertu duquel était établie l’attestation d’exposition à l’amiante et aux agents chimiques dangereux ayant été abrogé. De nouvelles dispositions tendent à assurer un suivi longitudinal axé sur la prévention de la pénibilité, dont la définition se veut extensive. Ainsi, l’article L. 4121-3-1 du code du travail, créé par l’article 60 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dispose en son premier alinéa que « pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ».

Le second alinéa de ce même article prévoit qu’une « copie de cette fiche est remise au travailleur à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. Les informations contenues dans ce document sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi. En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir cette copie ». Signalons que l’article R. 4741-1-1 du code du travail, créé par l’article 3 du décret n° 2012-134 du 30 janvier 2012 tirant les conséquences de la création de la fiche prévue à l’article L. 4121-3-1 du code du travail, sanctionne par une amende de cinquième classe « le fait de ne pas remplir ou actualiser la fiche de prévention des expositions, dans les conditions prévues par l’article L. 4121-3-1 et le décret pris pour son application ».

On remarquera qu’en vertu du principe de légalité des délits et des peines et de l’interprétation stricte de la loi pénale, la sanction porte uniquement sur l’inobservation des dispositions du premier alinéa de l’article L. 4121-3-1 du code du travail relatives à l’établissement et à l’actualisation de la fiche de prévention des expositions (ainsi nommée à l’art. D. 4121-6 c. trav.), et non pas sur l’inobservation des dispositions du second alinéa de l’article L. 4121-3-1 du code du travail relatives à la remise au salarié de la copie de cette fiche lors de son départ, ce que l’on peut regretter. Mais le présent arrêt est particulièrement instructif sur ce dernier aspect puisque le liquidateur a été condamné, précisément pour ne pas avoir remis l’attestation demandée, à payer 4000 euros à chacun des cent cinquante-quatre salariés sur le fondement de l’article 1382 du code civil afin de réparer un préjudice tant matériel que moral né de son refus qualifié de fautif. Les montants en cause devraient inciter les débiteurs de cette obligation à remettre l’attestation d’exposition à l’amiante ou à présent la copie de la fiche de prévention des expositions.

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