Soc. 15 janv. 2014, FS-P+B, n° 12-27.261

 

L’article L. 1134-1 du code du travail dispose que « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte » et « au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ». Ce déroulement de l’instance, en deux temps, a été parfaitement intégré par la jurisprudence.

En l’espèce, plusieurs salariés prétendent avoir subi des retards de carrière discriminatoires en raison de leur activité syndicale. Ils apportent, à l’appui de leur saisine, un rapport de l’inspection du travail réalisé à leur demande. L’employeur estime que la cour d’appel ne peut se fonder uniquement sur ce rapport pour renverser la charge de la preuve.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur au motif que parmi les « éléments [de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination] peut figurer un rapport établi par un inspecteur du travail ou un contrôleur du travail eu égard aux compétences reconnues aux corps de l’inspection du travail, notamment par les articles L. 8112-1 et L. 8112-2 du code du travail, aux prérogatives qui leur sont reconnues par l’article L. 8113-5 du même code et aux garanties d’indépendance dont bénéficient leurs membres dans l’exercice de leurs fonctions, peu important que l’agent de contrôle soit intervenu à la demande de l’une des parties et n’ait pas relevé par un procès-verbal les infractions éventuellement constatées ».

À partir du moment où la cour d’appel a « examiné contradictoirement l’ensemble des éléments de fait relevés par l’inspecteur du travail dans son rapport produit à l’appui de leurs demandes par les salariés », elle a valablement pu constater que « ces éléments, dont elle a vérifié la pertinence, laissaient présumer l’existence d’une discrimination puis relevé que l’employeur n’établissait pas que les différences de traitement dont les intéressés avaient fait l’objet étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

On remarquera que les compétences reconnues au corps de l’inspection du travail et la garantie d’indépendance dont bénéficient ses membres dans l’exercice de leurs fonctions ne suffisent pas à écarter le contrôle de la cour d’appel sur la pertinence des éléments de fait rapportés. Cet arrêt permet simplement de rejeter l’argument fondé sur l’identité de celui qui a apporté la preuve des éléments de fait. L’article L. 1134-1, qui prévoit que c’est au « salarié » qu’il appartient de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, ne doit donc pas être interprété de manière restrictive ; cela irait à l’encontre des missions, générales (C. trav., art. L. 8112-1 et L. 8112-3) et spécifiques (notamment en matière de lutte contre les discriminations : art. L. 8113-5), confiées à l’inspection du travail par le législateur.

Le Défenseur des droits devrait, en toute logique, être lui aussi concerné par cette jurisprudence. Parce qu’il assiste le salarié dans la constitution de son dossier et peut accéder aux locaux de l’entreprise et formuler des recommandations lors du procès, son intervention est loin d’être neutre. Comme l’inspecteur du travail, le Défenseur des droits va permettre au salarié d’avoir accès à des informations que ce dernier n’aurait pu obtenir par ses propres moyens qu’en en demandant la communication au juge. En effet, depuis peu, le salarié suspectant l’existence d’une discrimination peut demander au juge des référés, en amont de tout procès, d’obliger l’employeur à communiquer des documents relatifs aux autres salariés de l’entreprise afin de pouvoir comparer sa situation et, ainsi, obtenir les éléments de faits nécessaires à l’introduction d’un recours pour discrimination. L’intervention de ces acteurs a donc aussi pour intérêt de mettre l’affaire en état d’être jugée, sans pour autant alourdir le cours de la procédure prud’homale. 

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