Soc. 19 déc. 2012, FS-P+B, n° 10-20.526

Le salarié suspectant l’existence d’une discrimination peut demander au juge des référés, en amont de tout procès, d’obliger l’employeur à communiquer des documents relatifs aux autres salariés de l’entreprise afin de pouvoir comparer sa situation et, ainsi, obtenir les éléments de faits nécessaires à l’introduction d’un recours pour discrimination.

Il est toujours très délicat, malgré l’allégement du régime de la preuve mis en place par l’article L. 1134.1 du code du travail, pour un salarié suspectant une discrimination à son égard d’obtenir des éléments de fait venant corroborer cette discrimination. La principale difficulté étant que c’est l’employeur qui a en sa possession les documents à même de prouver l’inégalité de traitement et non le salarié victime. Il existe donc un obstacle matériel à l’introduction même de l’action pour discrimination. Et, plutôt que d’utiliser les voies institutionnelles que sont l’inspection du travail (C. trav., art. L. 8113-5) et le Défenseur des droits (art. 20, L. org. n° 2011-333, 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits), certains salariés favorisent la voie rapide du contentieux, à savoir le juge des référés.

En l’espèce, deux salariées souhaitaient obtenir, par l’intermédiaire de ce juge, les documents nécessaires à la preuve des faits laissant suspecter une discrimination à leur encontre. L’employeur, condamné sous astreinte à communiquer les documents demandés par les salariées, y voit une atteinte à la « vie personnelle » des autres salariés de l’entreprise et une atteinte au « secret des affaires ». Il estime, également, que l’article L. 1134-1 du code du travail prévoit effectivement que le juge peut ordonner des mesures d’instruction pour vérifier ou compléter les éléments de preuve fournis par le salarié ou les justifications apportées par l’employeur. Mais les mesures préalables au procès ne sont pas prévues par cet article. C’est la raison pour laquelle le juge fonde sa solution sur l’article 145 du code de procédure civile, qui précise que, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

La Cour de cassation a, en l’espèce, considéré que l’injonction de produire, décidée par la cour d’appel, ne porte pas atteinte à la vie personnelle des autres salariés ou au secret des affaires, notamment parce que l’application de l’article 145 du code de procédure civile se fait dans la mesure de la légitimité et la nécessité des intérêts en cause.

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