Soc. 30 janv. 2013, FS-P, n° 11-23.891

Une procédure de demande d’explications écrites, mise en œuvre à la suite de faits qualifiés de refus d’obéissance et ayant donné lieu à la conservation des demandes formulées par l’employeur et des réponses écrites du salarié dans le dossier individuel de celui-ci, constitue une sanction disciplinaire.

Si la notion de sanction disciplinaire est expressément définie dans le code du travail (C. trav., art. L. 1331-1), elle n’en reste pas moins toujours sujette à controverse quant à son exacte étendue. Il n’empêche que la chambre sociale continue de préciser, à travers les casuistiques qui lui sont présentées, si telle ou telle mesure est ou non une sanction disciplinaire. Le présent arrêt en est la parfaite illustration. Après avoir rappelé la lettre de l’article L. 1331-1 du code du travail, la Cour estime que la procédure de demande d’explications écrites en vigueur dans l’entreprise, mise en œuvre à la suite de faits qualifiés de refus d’obéissance et consistant à conserver les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié dans le dossier individuel de celui-ci, constitue une sanction.

La Cour procède, ainsi, en deux temps pour déceler la sanction disciplinaire. D’abord, sont examinées les raisons pour lesquelles la mesure a été appliquée. Celle-ci fait suite à un comportement considéré par l’employeur comme fautif. C’est là une exigence classique directement issue de l’article L. 1331-1 du code du travail. Ensuite, la Cour s’attarde sur la procédure en elle-même. Celle-ci conduit l’employeur à faire la demande au salarié fautif d’explications écrites concernant les motifs de son comportement. Mais là n’est pas, semble-t-il, l’élément déterminant qui a permis la caractérisation d’une sanction disciplinaire. La clé de voûte de la solution repose sur le fait que les demandes de l’employeur et les réponses écrites apportées par le salarié sont conservées dans le dossier de ce dernier. L’allusion à la « conservation » de la mesure prise par l’employeur n’est pas une réelle nouveauté puisque la Cour a pu y faire référence. Tantôt la conservation est apparue comme primordiale à la qualification de sanction, tantôt elle n’était que le complément d’une mesure à elle seule qualifiée de sanction.

Si la conservation des réponses écrites du salarié peut hypothétiquement, à l’occasion de la commission d’une nouvelle faute, avoir une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, il reste toutefois difficile d’y voir une mesure prise par l’employeur selon les termes de l’article L. 1331-1 du code du travail. Généralement, la sanction est dirigée contre le salarié, même lorsqu’elle n’emporte pas directement la perte d’un acquis ou la privation d’une chance d’obtenir un avantage (augmentation, promotion, etc.). Il en va ainsi de la mise à pied disciplinaire, de la rétrogradation, de la mutation, du refus d’avancement ou d’une augmentation de salaire et, encore, de l’avertissement. C’est donc probablement l’éventuelle incidence de la mesure de conservation sur l’emploi du salarié qui paraît primer.

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