Soc. 23 janv. 2013, FS-P+B, n° 11-18.855

Une cour d’appel ne peut débouter un salarié de sa demande, tendant à faire produire à la prise d’acte de la rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat ne revêt pas une gravité suffisante.

Après avoir été officiellement consacrée comme un effet nécessaire du contrat de travail (Soc. 28 févr. 2002, Bull. civ. V, n° 81), l’obligation de sécurité a très rapidement montré qu’elle était une obligation de résultat, voire de garantie. En effet, non seulement l’employeur n’est pas en mesure de s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve qu’il n’a commis personnellement aucune faute (Soc. 21 juin 2006, Bull. civ. V, n° 223), mais il reste encore responsable quand bien même il aurait mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour faire cesser le non-respect de cette obligation, notamment en prenant toutes les mesures nécessaires pour sanctionner et, plus encore, licencier le salarié, auteur de violences à l’égard du reste du personnel de l’entreprise (Soc. 3 févr. 2010, Bull. civ. V, n° 30). Un tel manquement permet, d’ailleurs, au salarié, victime de violences perpétrées par l’un de ses collègues, de prendre acte de la rupture de son contrat de travail (Soc. 3 févr. 2010, préc.). Seulement, la Cour de cassation exige, afin d’imputer la rupture à l’employeur et de faire produire à celle-ci les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que le manquement soit suffisamment grave (Soc. 19 janv. 2005, Bull. civ. V, n° 12).

Une cour d’appel avait cru bon de considérer que, dans une espèce où un salarié avait verbalement et physiquement agressé un autre salarié de l’entreprise, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat était avéré mais ne revêtait pas un caractère de gravité de nature à justifier la prise d’acte, compte tenu de l’existence d’un affrontement entre deux salariés titulaires de postes de direction. En somme, l’employeur avait fait son possible et il n’était pas personnellement impliqué dans l’altercation. L’arrêt est cassé au visa des articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 4121-1 du code du travail. Après avoir évoqué le régime applicable à la prise d’acte de la rupture, la Cour de cassation considère que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements.

En rappelant de la sorte sa propre jurisprudence, la Cour signifie, pour la première fois, qu’un manquement à l’obligation de sécurité est toujours d’une gravité suffisante pour justifier une prise d’acte de la rupture. C’est ainsi qu’elle avait procédé s’agissant de la modification unilatérale de la rémunération : celle-ci est, quoi qu’il arrive, suffisamment grave pour faire produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Soc. 5 mai 2010, Bull. civ. V, n° 102). Bien qu’inédite, la solution se situe dans le sillage d’un précédent arrêt dans lequel était affirmé que « manque gravement à ses obligations l’employeur qui porte une atteinte physique ou morale à son salarié » (Soc. 8 juin 2011, Bull. civ. V, n° 138). Il fallait y voir là le signe précurseur de la position présentement adoptée par la Cour. 

Auteur : Éditions Dalloz - Tous droits réservés.