Civ. 1re, 1er oct. 2014, F-P+B+I, n° 13-21.801

La solution adoptée par la Cour de cassation concorde parfaitement avec le caractère obligatoire du relevé d’office introduit par la loi Hamon du 17 mars 2014 en matière de droit de la consommation (C. consom., art. L. 141-4, al. 2 nouv.). Dans l’affaire jugée, l’Union fédérale des consommateurs de l’Isère (UFC 38) a assigné la Mutualité française Isère pour faire juger illicites et abusives vingt-trois clauses du contrat de résident proposé par celle-ci aux résidents d’une maison de retraite, faire condamner celle-ci à les supprimer de ses contrats et obtenir réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs par l’utilisation de ces clauses.

Un jugement du 11 octobre 2010, assorti de l’exécution provisoire, a déclaré illicites ou abusives onze clauses, les a réputées non-écrites, ordonné leur suppression sous astreinte et la publication du jugement, et condamné la Mutualité française Isère à verser à l’association UFC 38 la somme de 1 500 € en réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs. Courant avril 2011, la Mutualité française Isère a communiqué à l’UFC 38 une version modifiée de son contrat type dont le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Grenoble a, par jugement du 27 avril 2012, constaté qu’il conservait quatre clauses illicites et abusives et liquidé l’astreinte. L’UFC 38 a interjeté appel du premier jugement, celui du 11 octobre 2010, dans le but d’obtenir la suppression de six clauses contenues dans l’ancien contrat de séjour que celui-ci n’avait pas estimées abusives ou illicites.

Elle est déboutée de sa demande, la cour d’appel constatant qu’elle ne statue pas sur le nouveau contrat, désormais seul en vigueur et qu’elle n’est donc pas saisie d’une demande de suppression des clauses que celui-ci contient. La Cour de cassation, écartant l’interprétation étriquée des juges d’appel, prononce la cassation, estimant que l’association de consommateurs avait, « d’une part, […] sollicité la suppression de clauses illicites ou abusives sans limiter sa demande à l’ancien contrat, d’autre part, que le juge national est tenu d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles invoquées par une partie dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ».

L’idée sous-jacente est que le professionnel ne peut tirer prétexte de ce qu’il a édicté une nouvelle version de son contrat – expurgée de certaines clauses, celles déclarées abusives ou illicites par le juge de première instance – pour obtenir la neutralisation d’une demande, exercée en cause d’appel, visant à la suppression de clauses illicites ou abusives dans la version initiale du contrat et maintenues dans la nouvelle version de celui-ci. L’office du juge est une notion somme toute largement teintée d’équité, qui permet de « faire une passerelle » entre les deux versions successives d’un même contrat de consommation et de tenir en échec ce principe traditionnel du droit de la procédure civile qu’est l’immutabilité de la demande.

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