CJUE 6 sept. 2012, Daniela Mühlleitner, aff. C-190/11

L’applicabilité de l’article 15, § 1, c), du Règlement Bruxelles I, autorisant le consommateur à saisir la juridiction de son domicile, ne nécessite pas que le contrat ait été conclu à distance.

Aux termes du Règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I », il est opportun, notamment s’agissant des contrats de consommation, « de protéger la partie la plus faible au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales ». En ce sens, son article 15, § 1, c), autorise dans certains cas le consommateur, dans le cadre d’un contrat conclu avec un professionnel, à saisir le tribunal de son domicile. Le 6 septembre 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venue en préciser les conditions d’applicabilité, s’agissant de contrats n’ayant pas été conclus à distance.

En l’espèce, un consommateur autrichien avait pris contact avec un commerçant domicilié en Allemagne, en vue de l’achat d’une automobile. La vente n’avait cependant pas été conclue à distance, l’acquéreur ayant fait le déplacement jusqu’à Hambourg, siège social du vendeur. À la suite de la découverte de vices substantiels, le premier souhaitait pouvoir saisir le tribunal de son domicile, compétence contestée par le défendeur. La juridiction suprême autrichienne surseoira à statuer, adressant à la Cour une question préjudicielle portant sur les conditions d’application de cet article.

En effet, celui-ci prévoit que la possibilité offerte au consommateur de saisir les juridictions de son État, n’est applicable qu’en présence d’un contrat conclu, soit avec une personne exerçant ses activités commerciales ou professionnelles dans le même État membre, soit qui « par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités ». La compréhension du texte, qui demeure silencieux quant au lieu de conclusion du contrat, sera également perturbée par la jurisprudence antérieure de la Cour qui a pu affirmer, à propos de la location d’une chambre d’hôtel, que la remise effective des clés et le paiement réalisés sur place n’empêchent pas l’application de l’article litigieux, du fait que la réservation et la confirmation avaient, pour leur part, eu lieu à distance, « de sorte que le consommateur s’est trouvé contractuellement engagé à distance » L’arrêt du 6 septembre 2012 précise toutefois que ces points ne représentaient qu’une réponse apportée par les magistrats aux seuls arguments de l’espèce, « sans que leur portée puisse être étendue au-delà des circonstances spécifiques de cette affaire ».

En outre, cette même jurisprudence établit, par ailleurs, une liste non exhaustive d’éléments permettant de déterminer si l’activité d’un professionnel est dirigée vers l’État membre du consommateur, au sein de laquelle figurera « la mention d’itinéraires à partir d’autres États membres pour se rendre au lieu où le commerçant est établi ». Preuve peut-être qu’elle n’a jamais entendu exclure l’hypothèse d’un déplacement du consommateur.

Plus largement, s’il semble communément admis que ces dispositions tiennent désormais compte des particularités du commerce électronique, la Cour n’écarte pas pour autant l’hypothèse d’un contrat n’ayant pas été conclu à distance. Elle se fonde notamment sur une interprétation téléologique du texte, remarquant justement qu’il est rédigé en des termes volontairement plus larges que l’ancien article 13, al. 1er-3, b, de la Convention de Bruxelles, qui exigeait, pour sa part, que le consommateur ait accompli dans son État les actes nécessaires à la conclusion du contrat. Par conséquent, « l’adjonction d’une condition liée à la conclusion des contrats de consommation à distance irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par cette disposition, dans sa nouvelle formulation moins restrictive ».

En définitive, l’article 15, § 1, c), du Règlement Bruxelles I, sans doute imaginé pour les contrats conçus (ou tout le moins initiés) à distance, n’exige pas que ces derniers aient été conclus à distance. La solution, cohérente avec les considérants du Conseil, semble s’inscrire dans leur logique, la position inverse conduisant sinon à sanctionner le consommateur ayant fait l’effort du voyage.

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