Civ. 1re, 4 juin 2014, FS-P+B+I, n° 13-13.779

Certaines dispositions du code de la consommation sont susceptibles de bénéficier à des personnes morales, associations, voire syndicats de copropriété – ce dont il est ici question –, en ce qu’elles sont considérées comme des « non-professionnels ». Ces derniers sont alors réputés se trouver dans le même état d’ignorance qu’un consommateur personne physique vis-à-vis d’un cocontractant professionnel et ont besoin de la même protection. Tel est le cas, par exemple, de l’article L. 136-1 du code de la consommation visant à faciliter la résiliation des contrats de prestation de services renouvelables par tacite reconduction, dans sa rédaction issue de l’article 33 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 (cette loi n’a pas modifié la teneur de cet article mais en a simplement étendu l’application aux non-professionnels). La Cour de cassation a ainsi expressément jugé qu’une personne morale, en l’occurrence un syndic de copropriété, puisse s’en prévaloir.

En ce qui concerne la législation sur les clauses abusives, l’article L. 132-1 du code de la consommation vise les contrats « conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ». De fait, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu en 2005, avait déjà considéré qu’une personne morale n’était pas exclue, par principe, du dispositif de protection contre les clauses abusives. Néanmoins, la qualification de non-professionnel est écartée en cas d’existence d’un « rapport direct » entre l’activité professionnelle de cette personne morale, si tenté qu’elle exerce une telle activité, et le contrat contenant la clause litigieuse.

Mais ce n’est pas du champ d’application de la législation sur les clauses abusives dont il est question, sinon incidemment, dans l’arrêt du 4 juin 2014. Est en cause l’action préventive en suppression des clauses abusives ou illicites de l’article L. 421-6 du code de la consommation que les associations de consommateurs habilitées peuvent engager. Or cet article a un domaine plus étroit rationae personae que l’article L. 132-1, puisque l’action qu’il créée vise à supprimer une clause illicite ou abusive « dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ». Il ne fait nullement référence au non-professionnel, ce que l’on peut comprendre, car, dans l’hypothèse inverse, on aboutirait à ce qu’une association défende les intérêts d’une personne morale, au premier chef d’une association, ce qui serait pour le moins étrange. L’arrêt d’appel, en se prononçant en faveur de la recevabilité de l’action préventive en suppression des clauses abusives ou illicites contenues dans un contrat proposé par un professionnel à un non-professionnel, avait donc procédé à un fâcheux amalgame entre ces deux dispositions. Il est donc fort logiquement cassé.

Certes, on aurait également pu envisager de faire l’économie du détour par la notion de non-professionnel, qui est spécifique au droit français, et se demander si une personne morale ne pouvait pas mériter, dans certaines circonstances, d’être considérée comme un consommateur. L’interrogation peut sembler emprunte de naïveté, mais c’est oublier que la Cour de cassation a pu l’admettre, par le passé, quoique timidement, en assimilant au consommateur « le professionnel qui, bien qu’agissant pour les besoins de sa profession, contracte en dehors du cadre des compétences générales nécessaires à la conduite de son commerce et dans un domaine de technicité à l’égard duquel il devient un simple consommateur profane ». Cette jurisprudence est toutefois restée sans lendemain. Aujourd’hui, une réponse négative ne fait plus l’ombre d’un doute, puisque la loi Hamon n° 2014-344 du 17 mars 2014 a donné une définition générale du consommateur, définition qui exclut les personnes morales : est considéré comme un consommateur, au sens du code de la consommation, « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale » (L. n° 2014-344, 17 mars 2014, art. 3 ; C. consom., art. préliminaire nouv.). On relèvera, enfin, que l’action de groupe, introduite dans notre législation par cette même loi, vise également à obtenir la réparation des préjudices individuels subis par les seuls consommateurs (art. 1er ; C. consom., art. L. 423-1, al. 1er nouv .).

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