CJUE 8 févr. 2017, Carrefour Hypermarchés SAS contre ITM Alimentaire International SASU, aff. C-562/15

Carrefour a lancé, il y a quelques années, une campagne publicitaire intitulée « garantie prix le plus bas Carrefour ». Cette publicité, qui comparait les prix de 500 produits de grandes marques pratiqués dans les magasins Carrefour et dans des magasins concurrents (dont les magasins Intermarché), offrait au consommateur de lui rembourser deux fois la différence de prix s’il trouvait moins cher ailleurs. Et tandis que les magasins Intermarché sélectionnés pour la comparaison étaient tous des supermarchés, les magasins Carrefour étaient tous des hypermarchés. Or, cette information ne figurait qu’en petits caractères sur la page d’accueil du site internet Carrefour.

La société ITM, en charge de la stratégie et de la politique commerciale des magasins de l’enseigne Intermarché, a alors cherché à obtenir de la justice française la cessation de cette publicité ainsi que le versement de dommages-intérêts pour publicité trompeuse. Condamné en première instance, Carrefour a interjeté appel du jugement et sollicité un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), demande à laquelle la cour d’appel de Paris a fait droit. Les juges luxembourgeois étaient ainsi interrogés quant à la licéité d’une telle publicité, comparant les prix de produits vendus dans des magasins de tailles ou de formats différents, au regard de la directive 2006/114 sur la publicité trompeuse et la publicité comparative, en date du 12 décembre 2006. Il s’agissait en outre de savoir si le fait que les magasins concernés soient de taille et de format différents constitue une information substantielle qui, conformément à la directive 2005/29 du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, devrait être nécessairement portée à la connaissance du consommateur pour que celui-ci puisse prendre une décision commerciale en connaissance de cause.

Dans l’arrêt rapporté du 8 février 2017, la CJUE rappelle tout d’abord qu’en vertu de la directive 2006/114, toute publicité comparative doit comparer objectivement les prix et ne pas être trompeuse. Or, la différence de taille et de format des magasins comparés peut porter atteinte à cette objectivité si la publicité ne fait pas mention de cette différence, l’écart entre les prix de l’annonceur et ceux des concurrents pouvant en effet être, par ce biais, artificiellement gonflé.

Par ailleurs, la Cour réaffirme que dès lors qu’une publicité comparative omet ou dissimule une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause, ou fournit une telle information de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ce qui peut amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, cette publicité est trompeuse. En l’espèce, la CJUE considère que la publicité de l’annonceur est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen en donnant l’impression que les écarts de prix indiqués sont valables dans tous les magasins de l’annonceur plutôt que dans ceux du concurrent. Ladite publicité ne sera cependant trompeuse que si le consommateur n’est pas informé du fait que la comparaison est effectuée entre les prix pratiqués dans les magasins de tailles ou de formats supérieurs de l’enseigne de l’annonceur et ceux relevés dans les magasins de tailles ou de formats inférieurs des enseignes concurrentes. Une telle information doit, du reste, être fournie de façon claire et figurer dans le message publicitaire lui-même. C’est précisément ce que devra vérifier la cour d’appel de Paris dans cette affaire…

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