Civ. 3e, 24 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-17.800

La Cour de cassation refuse de considérer comme abusive la clause, insérée dans un contrat de vente en l’état futur d’achèvement qui prévoit de différer la livraison en cas d’intempéries et de défaillance d’une entreprise participant au chantier.

La construction n’est assurément pas le secteur d’activité qui suscite la jurisprudence la plus fournie en matière de droit des clauses abusives. Aussi cet arrêt de cassation, rendu à propos d’une clause supposée revêtir ce caractère insérée dans un contrat de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) mérite-t-il d’être connu. Dans l’espèce jugée, des époux ont acquis en état futur d’achèvement, auprès d’une société civile immobilière (SCI), une maison d’habitation dont l’achèvement était fixé au cours du premier trimestre 2007. Or la prise de possession de celle-ci n’est intervenue qu’à la fin de la même année. Les époux ont alors assigné la SCI pour obtenir réparation de leur préjudice lié à ce retard. À cette demande, la SCI a opposé la clause contractuelle prévoyant des majorations de délai de livraison en cas d’intempéries et de défaillance d’une entreprise participant au chantier, clause que les juges du fond ont écartée comme abusive. Précisément, la clause litigieuse était rédigée dans les termes suivants : « ce délai [d’achèvement] sera le cas échéant majoré des jours d’intempéries au sens de la réglementation du travail sur les chantiers du bâtiment ; ces jours seront constatés par une attestation de l’architecte ou du bureau d’études auquel les parties conviennent de se rapporter ; le délai sera le cas échéant majoré des jours de retard consécutifs à la grève et au dépôt de bilan d’une entreprise, et de manière générale, en cas de force majeure ».

Pour la cour d’appel d’Amiens, cette clause serait abusive notamment parce qu’« elle confère systématiquement les effets de la force majeure à des événements qui n’en présentent pas forcément le caractère ». En d’autres termes, la force majeure, dont on sait qu’elle exonère le débiteur de l’accomplissement de son obligation contractuelle, serait, en quelque sorte, « contractualisée » ou, si l’on préfère, assouplie conventionnellement, ce qui aboutirait à créer un déséquilibre significatif au détriment des acheteurs.

Cet argument n’emporte nullement la conviction de la Cour de cassation qui, de manière péremptoire, casse l’arrêt d’appel. La cour régulatrice se borne à affirmer que la clause litigieuse ne revêt pas les caractéristiques exigées par l’article L. 132-1 du code de la consommation pour être qualifiée d’abusive, à savoir qu’elle n’a ni pour objet, ni pour effet « de créer, au détriment des acquéreurs non professionnels, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Sans doute a-t-elle estimé qu’un retard de livraison d’un ouvrage, notamment pour intempérie, peut se justifier par le bon sens, d’autant qu’il était contractuellement prévu, en l’espèce, que l’appréciation de l’intempérie n’était pas abandonnée discrétionnairement au maître de l’ouvrage – la clause aurait alors pu être qualifiée de condition potestative illicite – mais qu’elle devait être constatée par un homme de l’art, architecte ou bureau d’études. Bien que celui-ci soit mandaté par le maître de l’ouvrage, il est tenu, en tant que professionnel, d’une certaine obligation d’impartialité.

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