Soc. 12 févr. 2013, FS-P+B, n°11-28.649

Dès lors qu’une clé USB est connectée à l’outil informatique fourni par l’employeur, elle est présumée utilisée à des fins professionnelles, autorisant ainsi l’employeur à avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qui y sont contenus.

Il est de jurisprudence classique que les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. Il ne peut en aller autrement que si le salarié identifie ces fichiers comme étant personnels ; dans ce cas, l’employeur est, sauf risque ou événement particulier, tenu de le consulter en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé.

Après avoir étendu, à l’identique, le raisonnement aux connexions internet établies par le salarié à partir du matériel informatique de l’entreprise, voilà que la chambre sociale en fait application à propos de l’utilisation faite par le salarié de sa propre clé USB. Au visa des articles 9 du code de procédure civile, fréquemment utilisé aujourd’hui comme fondement de loyauté dans la production de la preuve, et de l’article L. 1121-1 du code du travail, la Cour considère qu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, hors la présence du salarié.

Tout se passe comme si, à l’instar d’un bien meuble qui deviendrait, par destination, un bien immeuble (C. civ., art. 517) ou d’un bien qui, uni à un autre, deviendrait la propriété de celui possédant le second (C. civ., art. 546), la clé USB, appartenant personnellement au salarié, devenait un bien d’usage professionnel en raison de la connexion physique avec l’outil informatique, détenu par l’employeur et mis à disposition par celui-ci à une fin professionnelle. Il est, en effet, vraisemblable que le salarié n’utilise pas à titre privé sa propre clé USB lorsqu’il la connecte à un outil informatique qui non seulement est la propriété de l’employeur mais voit également son usage strictement réservé par ce dernier à l’exécution du contrat de travail. Compte tenu de la destination exclusive de l’outil informatique, la présomption est insusceptible d’être renversée. Irréfragable, elle oblige le salarié, soucieux de préserver sa vie privée, d’identifier l’intégralité du contenu de son périphérique de stockage comme étant personnel.

Désormais, il faudra distinguer trois situations. Soit, comme en l’espèce, la clé USB est connectée à l’outil informatique de l’entreprise sans que son contenu ait été identifié comme personnel. L’employeur aura alors la faculté de visualiser l’intégralité des fichiers hors la présence du salarié. Soit les données figurant sur la clé USB connectée à l’outil informatique de l’entreprise sont identifiées comme personnelles. L’employeur ne pourra les consulter qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé. Soit, enfin, la clé USB n’est pas connectée à l’outil informatique. C’est ici qu’une difficulté se fera jour. D’un côté, la Cour de cassation permet à l’employeur de procéder à l’écoute des enregistrements réalisés par le salarié sur son dictaphone personnel à condition que ce dernier soit présent ou ait été appelé et d’avoir accès aux documents détenus par le salarié dans le bureau de l’entreprise mis à sa disposition, hors sa présence, à moins qu’ils n’aient été identifiés comme étant personnels. Mais, d’un autre, elle n’autorise l’employeur, sauf circonstances exceptionnelles, à ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu’avec leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s’y opposer et d’exiger la présence d’un témoin. Il conviendrait d’aligner le régime de la « fouille » sur les lieux de l’entreprise de biens appartenant au salarié sur cette dernière solution, davantage respectueuse des libertés du salarié. Aussi la clé USB laissée dans le bureau mis à la disposition du salarié par l’employeur ne devrait-elle être consultée par celui-ci qu’avec l’accord de celui-là.

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