Soc. 4 déc. 2013, F-P+B, n° 12-23.930

Au jour où il entame une procédure disciplinaire à l’encontre de l’un de ses salariés qui a commis une faute, l’employeur peut, en principe, toujours tenir compte de faits commis et sanctionnés antérieurement, dès lors que le salarié persiste dans son comportement fautif ou en réalise de nouveaux de même nature. Toutefois, aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction (C. trav., art. L. 1332-5). Cette limite à la prise en compte des fautes sanctionnées antérieurement est susceptible d’aménagements par voie d’accord collectif à la condition d’être plus favorables aux salariés. Ainsi, une convention collective peut stipuler qu’il ne doit être conservé aucune trace de la sanction prononcée à l’égard d’un salarié quand celle-ci n’a été suivie d’aucune autre sanction dans un délai de deux ans. Mais quelle conséquence attacher au non-respect par l’employeur d’une telle disposition ?

Selon la Cour de cassation, l’utilisation par l’employeur d’une sanction en violation des dispositions conventionnelles applicables cause nécessairement un préjudice au salarié, préjudice dont il revient aux juges du fond d’apprécier souverainement le montant.

Bien qu’inédite, la solution se veut la résultante de plusieurs courants jurisprudentiels. La Cour estime, en effet, que le non-respect de certaines prescriptions légales cause « nécessairement » un préjudice au salarié qui en est le bénéficiaire. Il en va ainsi de l’absence d’information par l’employeur sur la convention collective applicable ou encore de la remise tardive au salarié de documents lui permettant de s’inscrire au chômage et du certificat de travail. Il lui arrive par ailleurs de tirer les mêmes conséquences du non-respect de certaines stipulations conventionnelles. Et contrairement à ce qui se produit lorsqu’est en jeu l’intérêt collectif de la profession - c’est-à-dire toutes les fois qu’une organisation syndicale exerce une action en responsabilité consécutivement à l’inapplication d’un quelconque accord collectif -, le non-respect, revendiqué par le salarié, d’une disposition législative ou réglementaire ou d’une stipulation conventionnelle ne cause « nécessairement » un préjudice que lorsque celles-ci accordent au salarié un avantage dont le bénéfice est définitivement perdu du fait du manquement de l’employeur. C’est, d’ailleurs, sur cette idée que se fonde probablement la chambre sociale lorsqu’elle décide que l’inobservation par l’employeur des règles de forme et de procédure qui encadrent l’exercice de son pouvoir disciplinaire cause nécessairement un préjudice au salarié que le juge doit réparer en fonction de son étendue.

La Cour ne fait donc en l’espèce qu’étendre à un aménagement conventionnel du droit disciplinaire la position retenue s’agissant des prescriptions légales en la matière. Sans doute considère-t-elle que si tout manquement à la procédure disciplinaire établie par la loi cause nécessairement un préjudice au salarié, il doit en être de même de la stipulation conventionnelle qui l’aménage, si l’on veut en assurer la pleine effectivité.

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