Soc. 13 févr. 2013, F-P+B, n° 11-23.920

La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde.

Que le ressortissant étranger soit dépourvu d’un titre de travail dès l’embauche ou qu’il en soit privé en raison d’un non-renouvellement en cours d’exécution du contrat de travail, l’issue sera en principe la même, il sera licencié. Il faut en effet réserver l’hypothèse d’une régularisation, à laquelle l’employeur doit contribuer puisqu’à défaut de fournir les documents nécessaires le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse. Rappelons également qu’une régularisation pourrait éventuellement intervenir au moyen de la procédure d’admission exceptionnelle au séjour par le travail prévue par l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA. – Circ. 28 nov. 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, NOR : INTK1229185C).

En l’espèce, un ressortissant étranger a été engagé en qualité d’agent de sécurité. L’employeur lui a notifié son licenciement au motif de sa situation irrégulière sur le territoire français. La cour d’appel a estimé que le licenciement verbal du salarié, embauché au moyen d’une fausse identité, est sans cause réelle et sérieuse et que le salarié devait percevoir la somme de 1 000 € à ce titre. En revanche, puisqu’il ne pouvait pas exécuter son préavis, faute de pouvoir travailler sur le territoire français, il devait être privé de l’indemnité correspondante. Le juge du fond a décidé, enfin, que l’employeur devait être indemnisé par le salarié, qui l’avait délibérément trompé sur son identité et sa situation. Ce comportement lui avait fait subir un préjudice, causé par les soupçons de travail dissimulé et les répercussions de l’interpellation d’un de ses agents de sécurité chez un client.

Ne pouvant exécuter son préavis, le salarié a-t-il néanmoins droit à l’indemnité compensatrice ? Ayant menti sur son identité et sa situation, peut-il être pécuniairement responsable à l’égard de son employeur ? Par la présente décision, la Cour de cassation répond à ces deux questions.

1. La Cour censure la décision du juge du fond car ce dernier a estimé a tort que le salarié ne pouvait percevoir l’indemnité demandée. La solution n’est pas nouvelle car la chambre sociale a déjà eu l’occasion de préciser que l’indemnité compensatrice de préavis est due au salarié, quand bien même il serait dans l’impossibilité de l’exécuter et le fait pour l’employeur d’être dans l’ignorance de la falsification des documents présentés lors de l’embauche n’y change rien.

2. La Cour censure également la décision du juge du fond condamnant le salarié à payer 1 200 € à son employeur en réparation du préjudice subi. La Cour rappelle dans le visa de la décision le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde. Il faut, par conséquent, comprendre que le fait d’avoir délibérément trompé l’employeur, sur son identité et sa situation sur le territoire français, ne constitue pas une faute lourde, précision apportée par la Cour, semble-t-il, pour la première fois. En cas de dissimulation par le salarié de l’irrégularité de sa situation ou de refus de la justifier auprès de son employeur, des juridictions du fond ont pu retenir la qualification de faute grave. La faute lourde se définit par l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Si un acte de fraude est révélateur d’une intention délictueuse, l’intention de nuire à l’employeur n’est pas de facto caractérisée, pas plus qu’elle ne saurait l’être en raison des conséquences sérieuses que les faits reprochés seraient susceptibles d’entraîner. En l’espèce, le juge du fond avait retenu le caractère intentionnel (« avoir délibérément trompé l’employeur ») pour caractériser la faute lourde sans pour autant déterminer l’existence d’une volonté de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Or il ne fait pas de doute que l’étranger en situation irrégulière n’a pas l’intention de nuire à l’employeur en fournissant de fausses informations, le seul but qu’il poursuit est de trouver un emploi. La solution est ainsi on ne peut plus cohérente au regard de la définition de la faute lourde.

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