Soc. 31 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-21.734

Lorsque le salarié, qui a conclu un contrat de professionnalisation, a été définitivement exclu du seul organisme capable de dispenser une formation spécifique, l’impossibilité dans laquelle se trouve l’employeur de lui trouver une autre formation ne caractérise pas un cas de force majeure le libérant de ses obligations.

Le contrat de professionnalisation, selon les besoins de la formation dont le salarié bénéficie, est un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée (C. trav., art. L. 6325-5). Dans ce dernier cas, il eût été cohérent que ce contrat, conclu en application de l’article L. 1242-3 du code du travail, soit considéré comme un contrat à durée déterminée spécial et se voie, de ce fait, appliquer le régime juridique correspondant dans la mesure où celui-ci ne s’avère pas incompatible avec les objectifs visés par l’article L. 6325-1 du code du travail. Or, la Cour de cassation avait soumis le contrat de qualification aux dispositions de l’article L. 1243-1 du code du travail, lequel limite les causes de rupture avant terme du contrat à durée déterminée qui ne peut alors intervenir, à défaut d’accord des parties, qu’en cas de faute grave ou de force majeure. Le contrat de professionnalisation et le contrat de qualification, qu’il remplace, ayant des finalités et construits sur des obligations identiques, l’extension de cette solution était envisageable. C’est ce que vient confirmer le présent arrêt.

En l’espèce, il était plus particulièrement question d’apprécier les éléments permettant d’autoriser la rupture unilatérale et anticipée du contrat de professionnalisation à durée déterminée. Si la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que l’exclusion du salarié du seul organisme dispensant la formation spécifique faisant l’objet du contrat mettait l’employeur dans l’impossibilité de trouver une autre formation, elle refuse, malgré tout, de considérer que cette exclusion, et l’impossibilité subséquente, caractérise un cas de force majeure. La Cour transpose, là encore, la vision particulièrement restrictive qu’elle a de la force majeure concernant la mise en œuvre l’article L. 1243-1 du code du travail. S’agissant du contrat à durée déterminée de droit commun, elle refuse, en effet, que le décès accidentel de l’employeur, l’arrêt de la production d’une série télévisée à la suite du décès de l’acteur principal ou la suppression d’une autorisation précaire et révocable d’exploitation constituent des cas de force majeure. Elle refusa, d’ailleurs, que l’échec aux épreuves du diplôme préparé par un salarié, pourtant nécessaire à la poursuite du contrat de qualification qu’il avait conclu, caractérise un cas de force majeure.

Ainsi, bien que l’employeur soit dans l’impossibilité de respecter les prescriptions de l’article L. 6325-3 du code du travail, il n’est pas en mesure de mettre fin à l’exécution des obligations qui lui incombent en vertu du contrat de professionnalisation, dont le fait de fournir un travail au salarié et de rémunérer celui-ci en conséquence.

L’arrêt est toutefois surprenant sur un point. En effet, l’employeur avait décidé de cesser d’exécuter ses obligations en attendant que le salarié retrouve un organisme de formation susceptible de lui permettre de poursuivre la formation initialement prévue. La cour d’appel, quant à elle, en avait déduit que le contrat de professionnalisation avait été suspendu dans l’attente d’une nouvelle formation. Il était donc difficile, contrairement à ce qu’affirme la Cour de cassation, d’assimiler purement et simplement l’inexécution d’obligations à la rupture du contrat. Il ne peut être présumé, de manière quasi-irréfragable, du refus d’exécution la volonté de rompre le contrat et ainsi de faire cesser définitivement la relation contractuelle. Il aurait été plus logique de faire droit à la demande du salarié qui tendait à la résiliation judiciaire du contrat de professionnalisation. Celle-ci est admise par la Cour lorsque la demande est faite, non par l’employeur, mais par le salarié. Or, l’obligation de formation, tout comme celles de fournir un travail et de rémunérer le salarié, sont des composantes essentielles du contrat de professionnalisation. Leur inexécution constitue donc une faute grave justifiant d’imputer à l’employeur la rupture anticipée du contrat à durée déterminée.

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