La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 mars 2013 illustre la mise en œuvre de la garantie des vices cachés entre professionnels de spécialités différentes.

Com. 19 mars 2013, FP-P+B, n° 11-26.566

Une entreprise de presse a acquis deux rotatives, afin de pouvoir imprimer la nouvelle formule d’un journal, ce qui semble-t-il, n’était pas possible avec ses anciennes rotatives. Mais des dysfonctionnements ayant affecté la qualité d’impression des journaux, l’entreprise a assigné en réparation de ses préjudices le fournisseur sur le fondement de la garantie des vices cachés. En d’autres termes, elle exerce l’action estimatoire. Elle obtient gain de cause, la Cour de cassation estimant en toute orthodoxie remplies les conditions de la mise en œuvre de la garantie des vices cachés posées par l’article 1641 du code civil : d’une part, les défauts invoqués n’étaient pas apparents au moment de la livraison – le vice, antérieur à la vente, était donc caché au moment de celle-ci – ; ils ne se sont révélés qu’après la mise en production de la nouvelle formule du journal ; d’autre part, les défauts constitutifs de vice cachés rendent la chose vendue impropre à l’usage auquel elle était destinée, cette inaptitude étant appréciée souverainement par les juges du fond.

Toutefois, une clause limitative de responsabilité avait été stipulée par le fournisseur, mais celle-ci a été déclarée inopérante par les juges du fond, dont la solution est pleinement validée par la Cour de cassation, cela à double titre. D’une part, parce que le vice caché, qui se définit comme un défaut rendant la chose impropre à sa destination, ne donne pas ouverture à une action en responsabilité contractuelle mais à une action en garantie. Ces deux actions ayant des objets différents, la clause litigieuse ne peut pas neutraliser l’action en garantie. D’autre part, comme, de toute façon, ainsi que l’a relevé l’arrêt d’appel, les deux cocontractants n’étaient pas des professionnels de la même spécialité, une telle clause ne saurait recevoir application. La solution est classique en jurisprudence. Elle s’explique par le fait que le vendeur, en sa qualité de professionnel, ne peut pas ne pas ignorer l’existence du vice – il s’agit même d’une présomption irréfragable –, sauf à être de mauvaise foi, la mauvaise foi étant constitutive d’une faute lourde ou dolosive, circonstance dans laquelle ce type de clause est écartée. Toutefois, lorsque l’acheteur appartient à la même profession que le vendeur, on estime que, à même de défendre ses propres intérêts, il n’a nullement besoin d’être protégé ; dès lors la clause limitative de garantie stipulée peut valablement déployer ses effets en application du principe de la force obligatoire des contrats. En pratique, l’identité de profession est rarement retenue par les tribunaux.

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