Le statut d’auto entrepreneur après avoir été longtemps mis en avant par les pouvoirs publics  peut devenir  désormais un problème  pour les entreprises.

 

La presse s’est fait l’écho de ce qui est une injustice flagrante  subie  par les jeunes et moins jeunes  livreurs en scooter d’une célèbre entreprise de services de livraison à domicile ou sur le lieu de travail.

 

Il est cependant des cas où le statut de l’auto entrepreneur est celui d’un véritable indépendant

 

Le statut et l’exercice du statut deviennent alors l’objet d’un dialogue entre l’administration dont l’URSSAF  et l’entreprise qui y recourt dans un cadre qui peut être pénal et /ou exclusivement social à travers des procédures de redressement avec contrôle de pièces 

 

Tout conflit d’interprétation provient d’un changement de la doctrine.

 

Il ne s’agit pas de définitions donnés par de « savants juristes exilés sur leur ile «  mais celles que leur reconnait la société à travers ses élus, ses ministres, après étude des rapports des inspecteurs fiscaux, sociaux comme de  ceux des inspecteurs du travail qui synthétisés définissent le sens qui est voulu pour le dit statut.

 

L’exemple de la fluctuation la plus flagrante de la doctrine est celle qui affecte le transport sanitaire

 

Pour être opposable la doctrine doit être publiée au Journal Officiel et accessible sur Légifrance.

 

 

A.  Remise en question depuis 2019 de « l’indépendance » des  auto entrepreneurs  de transports sanitaires

 

Le recours d’entreprises de transports sanitaires aux auto entrepreneurs était considéré comme légitime jusqu’à la réponse ministérielle  sur la situation des ambulanciers indépendants sous statut d'auto entrepreneur qui travaillent ponctuellement pour des sociétés d'ambulances.

Cette question   a été publiée au JO le: 27/11/2018 page  10621

 

La réponse  a été  publiée au JO  le  02/07/2019 page: 6189 Date de changement d'attribution: 11/12/2018 Date de signalement: 05/02/2019.

 

Les auto entrepreneur ambulanciers selon les conditions de l’article 8221-6 du code du travail  bénéficient de la présomption de non salariat à la condition qu’ils soient  immatriculés au RCS et enregistrés comme indépendants à l’URSSAF

 

L’article 8221-6 du code du travail dispose selon  la Version en vigueur depuis le 01 septembre 2017 et modification par la Loi N° 2015-991 du 07.08 2015 article 15

 

« I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur mentionnées à l'article L. 8221-5.

Le donneur d'ordre qui a fait l'objet d'une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d'emploi salarié a été établie. »

Entre  2016 et 2019 il incombait à l’URSSAF de démontrer la réunion de 4  paramètres : l’absence d’inscription au RCS de l’auto entrepreneur et  sa non affiliation à l’URSSAF pour recouvrement et collecte de cotisations et l’intention du donneur d’ordre de se soustraire aux règles du salariat envers son prestataire et un lien de subordination juridique permanente.

 

La réponse ministérielle publiée le 02.07.2019 n’a pas entrainé  l’abrogation de l’article L 8221-6 du code du travail lequel demeure en vigueur jusqu’au 31.12.2022 date à laquelle il sera remplacé par  une autre version.

 

De fait les  4 paramètres (2 à charge de l’auto entrepreneur et 2 à charge du donneur d’ordre) doivent être réunis  pour anéantir la présomption de non salariat.

 

Ces 4 paramètres demeurent en vigueur  mais  en 2019 et 2020 les tribunaux ont relayé l’interprétation de l’URSSAF  fondée sur la réponse ministérielle, l’affranchissant de l’obligation de réunir les preuves du salariat  jusqu’à ce que la Cour de Cassation rappelle la règle seule applicable.

 

Désormais, en face d’une présomption de non salariat, l’Urssaf doit pour renverser la présomption : prouver le salariat et le lien de subordination mais également appliquer la règle de l’article 8221-6 et prouver l’intention du donneur d’ordre de se soustraire délibérément à l’immatriculation du salarié dans ses effectifs et caractériser la permanence du lien de subordination.

 

 

B. Revirement jurisprudentiel de l’interprétation du lien de subordination

 

Les plus récentes décisions de Cour de cassation sont revenues sur l’acceptation judiciaire de  l’affirmation  sans démonstration de la réalité du critère du lien de subordination des micro entrepreneurs ambulances développée par l’URSSAF.

 

Les tribunaux exigent désormais plus qu’un indice mais bien une preuve. Cour de cassation chambre civile 2 2020-10-08 N° de pourvoi:19-16606 Publié au bulletin

 

. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail. 4. Pour valider le chef de redressement afférent à la réintégration dans l'assiette des cotisations de rémunérations versées, l'arrêt relève que l'inspecteur du recouvrement a mentionné au cours des opérations de contrôle que les pièces comptables révélaient, entre mai et août 2011, l'intervention régulière de T... R... qui avait pour mission d'encadrer les salariés présents en l'absence du chef d'entreprise, devait rendre compte chaque semaine auprès du cotisant de son suivi des chantiers et était rémunéré chaque mois selon un forfait au cours de la période en cause. Il constate que l'intéressé n'était pas immatriculé en tant que travailleur indépendant, que le cotisant était son seul client et que les factures émises par l'intéressé font état de « prestation de suivi et coordination de chantier ». Il retient que ces éléments établissent suffisamment la réunion des critères du salariat tandis que les pièces versées par le cotisant ne les remettent pas en cause. 5. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour : CASSE ET ANNULE.

 

Ainsi les tribunaux ont - à leur tour-  modifié la doctrine qui n’est que le reflet d’un consensus social partagé à titre temporaire ou durable selon la pratique des entreprises.