CJUE 16 juill. 2015, Maïstrellis, aff. C-222/14

Un fonctionnaire grec s’était vu refuser l’octroi d’un congé parental consécutif à la naissance de son enfant au prétexte que sa femme n’avait pas d’emploi. Tandis qu’il avait saisi la justice pour faire annuler cette décision, le Conseil d’État grec choisit de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de savoir si la loi grecque fondant cette mesure était conforme au droit de l’Union. Le droit grec prévoyait, en effet, qu’un fonctionnaire masculin n’a pas droit au congé parental rémunéré si son épouse ne travaille pas ou n’exerce aucune profession, à moins que, en raison d’une maladie grave ou d’un handicap, l’épouse ne soit jugée comme incapable de faire face aux besoins liés à l’éducation de l’enfant. Ces dispositions paraissaient en contradiction avec au moins deux directives : l’une sur le congé parental (Dir. 96/34/CE du Conseil, 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental modifiée par la directive 97/75/CE du Conseil, 15 déc. 1997), l’autre sur l’égalité de traitement en matière d’emploi (Dir. 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, 5 juill. 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail).

La Cour répond en rappelant que la directive sur le congé parental pose que chacun des parents est titulaire, individuellement, du droit au congé parental et que cette disposition est une prescription minimale à laquelle les États ne peuvent déroger. La situation du conjoint n’a donc aucune influence sur l’octroi de ce droit. Elle relève également que le droit au congé parental est un droit social fondamental consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle remarque enfin que le traitement offert aux femmes et aux hommes par le droit grec diffère puisqu’il n’est fait aucune mention de la situation du conjoint dans les conditions permettant aux femmes fonctionnaires de bénéficier d’un congé parental. Dès lors, loin d’assurer concrètement une pleine égalité entre les hommes et les femmes dans la vie professionnelle, le code grec perpétue une distribution traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire par rapport à celui des femmes en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale. Il s’ensuit que le code grec des fonctionnaires établit, à l’égard des pères fonctionnaires souhaitant bénéficier d’un congé parental, une discrimination directe fondée sur le sexe contraire à la directive sur l’égalité de traitement en matière d’emploi.

En se prononçant de la sorte, la CJUE poursuit son œuvre de déconstruction des stéréotypes de genre véhiculés par l’octroi de droits liés aux enfants. Et elle est ainsi en synergie avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui a récemment jugé que « la répartition traditionnelle des rôles entre les sexes dans la société ne peut servir à justifier l’exclusion des hommes, y compris ceux travaillant dans l’armée, du droit au congé parental ». 

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