Civ. 2e, 19 juin 2014, F-P+B, n° 13-19.150

L’article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, issu du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, a vocation à assurer le respect du contradictoire en cas de recours par l’inspecteur aux techniques d’échantillonnage et d’extrapolation. Ces méthodes statistiques constituent une alternative à l’examen exhaustif des chefs de redressement potentiels sur la totalité des salariés de l’entreprise contrôlée puisqu’elles permettent de déterminer le montant des redressements à partir de l’examen d’une partie de la population contrôlée. Le principe de la contradiction, qui n’est pas limité au seul espace du procès, nécessite le respect par les agents de l’URSSAF d’un certain nombre de formalités substantielles. Le recours à cette technique n’est, en effet, possible que si l’entreprise n’a pas formé d’opposition, cet accord ne dispensant évidemment pas le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense au cours des opérations de contrôle.

Ces différentes phases de contrôle se décomposent de la façon suivante : constitution d’une base de sondage, tirage aléatoire d’un échantillon, examen de l’échantillon au regard du point de législation vérifié, extrapolation à la population ayant servi de base à l’échantillon. En pratique, les observations formulées par l’inspecteur devront préciser « les populations faisant l’objet des vérifications, les critères retenus pour procéder au tirage des échantillons, leur contenu, les cas atypiques qui en ont été exclus, les résultats obtenus pour chacun des échantillons, la méthode d’extrapolation appliquée et les résultats obtenus par application de cette méthode aux populations ayant servi de base au tirage de chacun des échantillons ». Elles devront également mentionner la faculté reconnue au cotisant de procéder au calcul des sommes dont il est redevable.

En l’espèce, sur la base d’un contrôle réalisé avec la méthode par échantillonnage et extrapolation, l’URSSAF a notifié un redressement à une entreprise qui a aussitôt intenté un recours, estimant que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté en faisant valoir qu’elle n’avait jamais été informée des résultats obtenus à la suite des vérifications effectuées sur chaque individu composant l’échantillon et qu’aucune liste de résultats par salarié ne lui avait été transmise par les inspecteurs. Toutefois, les juges du fond ont rejeté cette argumentation en considérant que l’employeur avait eu connaissance de la liste des individus constituant l’échantillon retenu avant l’envoi de la lettre d’observations. La cour d’appel relevait aussi que, lors de l’entretien de clôture des opérations de contrôle, il avait été remis à l’employeur des fiches de résultats des régularisations envisagées par motif et par salarié sous forme de grilles d’analyse des frais professionnels versés aux salariés. En définitive, elle retient que l’employeur a été en mesure, à tout moment, de faire valoir ses observations et, par conséquent, que le principe du contradictoire a bien été respecté. Au soutien de son pourvoi, l’employeur alléguait, « d’une part, que la liste des individus constituant l’échantillon retenu ne lui a pas été communiquée alors qu’il s’agissait d’une obligation découlant de l’arrêté du 11 avril 2007 afin de lui permettre de produire l’ensemble des pièces justificatives nécessaires à l’examen du point de la législation vérifiée et, d’autre part, que l’inspecteur du recouvrement ne l’a pas informé des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l’échantillon et des régularisations envisagées en l’invitant à faire part de ses remarques comme cela est pourtant exigé par ledit arrêté ».

La deuxième chambre civile censure l’arrêt d’appel. Elle rappelle, en premier lieu, sa jurisprudence selon laquelle l’employeur doit être associé à chaque phase de la procédure d’échantillonnage afin de débattre contradictoirement du bien-fondé du redressement. En second lieu, elle relève qu’en l’espèce c’est durant la troisième phase du contrôle que les exigences du contradictoire n’ont pas été réunies. L’inspecteur du recouvrement aurait dû informer l’employeur des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu composant l’échantillon et des régularisations envisagées.

Cette décision est la bienvenue tant la méthode par échantillonnage est décriée en pratique en raison des potentielles atteintes aux droits de la défense des cotisants. Les critiques formulées à l’encontre du décret du 11 avril 2007 par certains auteurs ont, semble-t-il, été entendues par la Cour de cassation, sensible à la nécessaire rigueur entourant l’exigence du contradictoire au sein de la procédure de recouvrement.

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