Soc. 10 janv. 2017, FS-P+B, n° 15-12.284

Les juridictions du travail françaises sont-elles compétentes pour se prononcer sur les demandes d’un salarié d’une société française en liquidation judiciaire s’ajoutant à la contestation de son licenciement et formulées dans un cadre extra-contractuel à l’encontre de la société mère placée en procédure de faillite au Royaume-Uni ?

Dans cette affaire (initiée bien avant le Brexit), un salarié avait été engagé par la filiale française d’une société anglaise, elle-même membre d’un groupe international localisé au Canada. À la suite du placement en administration judiciaire de la société anglaise par la justice du Royaume-Uni, les administrateurs ont demandé l’ouverture d’une procédure secondaire aux juridictions françaises. Le tribunal de commerce français a alors placé en liquidation judiciaire la filiale française, arrêtant par la suite un plan de cession partiel. Licencié dans le cadre de ce plan, un salarié de cette filiale française a contesté la rupture de son contrat de travail devant les juridictions nationales et ajouté, devant ces mêmes juridictions, une demande à l’encontre de la société anglaise tendant à la réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi consécutive, selon lui, à des fautes de celle-ci.

Se fondant sur le règlement du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, la cour d’appel a retenu la compétence internationale des juridictions françaises et s’est déclarée compétente pour connaître du litige. Ce faisant, elle a néanmoins négligé la portée de l’ouverture préalable d’une procédure d’insolvabilité ouverte au Royaume-Uni contre la société anglaise.

Aussi, pour censurer l’arrêt des juges d’appel, la Cour de cassation prend appui sur l’article 16, § 1, du règlement n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité (V. à compter du 26 juin 2017 le règl. n° 2015/848 du 25 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilités transnationales ouvertes). Celui-ci dispose que « toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre », compétente au regard de la localisation du centre des intérêts principaux de la société sur son territoire, « est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture ».

La Cour note qu’en l’espèce l’action en responsabilité du salarié est fondée sur la faute que constituerait pour ce dernier l’ouverture de la procédure d’insolvabilité. Cette action relève ainsi du champ d’application du règlement précité, peu important qu’elle soit envisageable en dehors d’une procédure d’insolvabilité, dès lors qu’elle est introduite dans ce cadre.

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