Décr. n° 2014-736, 30 juin 2014, JO 1er juill.

Les nouvelles modalités de déclaration des créances, prévues par l’ordonnance du 12 mars 2014 et son décret d’application du 30 juin 2014, pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014, vont substantiellement modifier les pratiques. Très favorables aux créanciers, elles devraient fortement réduire le traditionnel et abondant contentieux en la matière.

Ratification de la déclaration

Dans le souci de réduire l’irritant et injuste (pour le créancier) contentieux de la forme de la déclaration de créance faite par préposé ou mandataire, l’ordonnance du 12 mars 2014 a complété l’alinéa 2 de l’article L. 622-24 du code de commerce en accordant au créancier la faculté de « ratifier » la déclaration jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. Cette règle constitue, en quelque sorte, la généralisation légale de la solution prétorienne autorisant le créancier à justifier l’existence d’un pouvoir spécial ou à prouver la délégation de pouvoir jusqu’au jour où le juge statue sur l’admission de la créance.

Déclaration par le débiteur

Le même texte ajoute cette précision, de prime abord un peu mystérieuse, selon laquelle « lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ». Cette possibilité, pour le débiteur, de déclarer les créances de ses créanciers (en quelque sorte à titre conservatoire), dans le même délai que le créancier, qui devrait s’avérer précieuse, notamment, dans les procédures accélérées (telle la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée ; V. C. com., art. L. 628-7), trouve un écho dans le nouveau cas de faillite personnelle ajouté par l’ordonnance de 2014 à l’article L. 653-5, 7°, réservé au débiteur ayant « déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée ».

En pratique, cette disposition permet, notamment, d’assimiler à la déclaration de créances par le débiteur la mention de la créance sur la liste des créances remise à l’administrateur et au mandataire judiciaire (art. L. 622-6). Ce que confirme la modification apportée par le décret du 30 juin 2014 à l’article R. 622-5. Selon ce texte : « pour l’application du troisième alinéa de l’article L. 622-24, la déclaration faite par le débiteur, dans le délai fixé par le premier alinéa de l’article R. 622-24, doit comporter les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l’article L. 622-25 [montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances, nature du privilège ou de la sûreté, éventuellement ; conversion en euros en cas de créances en monnaie étrangère] et, le cas échéant, ceux prévus par le 2° de l’article R. 622-23 [modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté] ».

Par ailleurs, fort logiquement, le décret de 2014 a aligné le délai dans lequel le débiteur peut porter la créance à la connaissance du mandataire judiciaire sur le délai ouvert au créancier pour déclarer sa créance (art. R. 622-24). De même, afin d’information du créancier, est-il prévu que l’avertissement d’avoir à déclarer leurs créances adressé par le mandataire judiciaire aux créanciers connus précise, le cas échéant, que la créance a été portée par le débiteur sur la liste des créances remise au mandataire (art. R. 622-21).

Mais, comme le souligne un auteur, bien des incertitudes demeurent, en particulier quant à la possibilité, pour le créancier, de solliciter un relevé de forclusion, afin de déclarer lui-même sa créance de façon plus favorable. Cela ne semblerait pas très conforme à l’esprit du texte. Quoi qu’il en soit, en cas de relevé de forclusion obtenu par le créancier, le juge peut décider que les frais seront supportés par le débiteur qui n’a pas mentionné la créance sur la liste remise au mandataire judiciaire ou n’a pas porté utilement cette créance à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai de la déclaration des créances (art. R. 622-25).

Selon Pierre-Michel Le Corre, cette modification attesterait l’abandon implicite de la théorie, sur laquelle se fondait ici toute la jurisprudence relative aux déclarations des créances des tiers, considérant la déclaration de créance comme un acte équivalent à une demande en justice. Il ne s’agirait plus que d’un acte conservatoire. Le nouvel article L. 622-25-1 irait en ce sens, en ce qu’il consacre, en en prolongeant les conséquences, une solution jurisprudentielle, selon laquelle la Cour de cassation avait déjà jugé que la déclaration de créance interrompt la prescription (à l’égard du débiteur mais aussi de la caution), cet effet interruptif se prolongeant jusqu’à la clôture de la procédure. Ce que semble confirmer le Rapport au président de la République, quand il explique que cet article L. 622-25-1 « précise les effets de la déclaration sans qu’il soit nécessaire de les déterminer par la qualification d’action en justice ».

Et, dès lors, c’est toute la construction jurisprudentielle qui pourrait tomber, notamment en ce qu’elle exigeait un mandat ad litem, lorsque la déclaration est effectuée par un mandataire autre qu’un avocat, ou une délégation de pouvoir du salarié au moment de la déclaration.

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