Crim. 25 nov. 2020, n° 19-85.205

Les dirigeants d’une société civile immobilière (SCI) ayant fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire avaient été poursuivis pour banqueroute après que l’administrateur provisoire eut transmis au parquet un rapport d’expertise comptable révélant certaines irrégularités. Les poursuites visaient la banqueroute par emploi de moyens ruineux (C. com., art. L. 654-2, 1°), absence de comptabilité (5°) et tenue irrégulière de comptabilité (4°). Les prévenus avaient été condamnés en première instance mais relaxés par la cour d’appel qui, contrairement au tribunal correctionnel qui avait avancé à 2012 la date réelle de cessation des paiements, s’était alignée sur la date retenue par le tribunal de grande instance, soit 2013.

Si la cour d’appel n’avait pas nié l’irrégularité de la tenue de la compatibilité en 2011, puis l’absence de comptabilité en 2012 et en 2013, elle avait relevé plusieurs circonstances de fait l’empêchant de considérer que ces faits avaient eu lieu « dans le but poursuivi par les prévenus de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements ou d’affecter l’actif de la SCI dans des conditions qui allaient la mettre dans l’impossibilité de faire face au passif exigible ». Analysant la personnalité des prévenus, ainsi que l’historique de la société et surtout son respect du plan de redressement et la poursuite ultérieure de son activité, la cour d’appel avait exclu « la thèse selon laquelle ils auraient eu l’intention de maintenir artificiellement l’activité de celle-ci avant la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal de grande instance ».

L’arrêt de relaxe est cassé. La censure ne porte pas sur la fixation par le juge pénal de la date de cessation des paiements. La Cour de cassation rappelle en effet l’indifférence de celle-ci s’agissant de la banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière ou absence de comptabilité, puisque ces modalités de l’infraction peuvent être retenues « indifféremment pour des faits commis antérieurement ou postérieurement à la cessation des paiements ».

C’est sur l’intentionnalité que la chambre criminelle concentre sa critique, au visa des articles L. 654-2, 4° et 5°, du code de commerce et 121-3 du code pénal. Elle juge que « la caractérisation de l’élément intentionnel des délits de banqueroute par absence de comptabilité ou tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière suppose la seule conscience de son auteur de se soustraire à ses obligations comptables légales ». Cette caractérisation « n’exige pas la preuve que le prévenu a eu la volonté soit d’éviter ou de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements soit d’affecter la consistance de l’actif disponible dans des conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif exigible ».

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