Com. 1er avr. 2014, F-P+B, n° 13-14.086

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a gommé, dans l’article L. 632-4 du code de commerce, la référence au liquidateur, qui n’intervient pas, par définition, en redressement judiciaire, auquel s’applique ce texte. Mais cela ne l’empêche évidemment nullement d’agir en cas de liquidation judiciaire (ce qui n’a jamais été douteux, pas plus sous l’empire de ce texte que sous celui de l’ancien art. L. 621-110). La solution était difficilement contestable, bien qu’aucune disposition du titre IV du livre VI du code de commerce ne rende expressément applicable l’article L. 632-4 au liquidateur. L’article L. 641-4, sur lequel s’appuie la Cour de cassation, se contente d’énoncer que : « le liquidateur exerce les missions dévolues à l’administrateur et au mandataire judiciaire par les articles L. 622-6 , L. 622-20 , L. 622-22 , L. 622-23, L. 624-17 (cette dernière référence étant d’ailleurs supprimée, pour de pures raisons formelles, par l’ordonnance du 12 mars 2014), L. 625-3 , L. 625-4 et L. 625-8 ». Ce dont l’arrêt du 1er avril 2014 dégage ce principe général, que nul ne saurait discuter de bonne foi : « le liquidateur exerce les fonctions dévolues au mandataire judiciaire, lequel a qualité pour agir en nullité d’un acte accompli en période suspecte ».

Là ne s’arrête pas l’intérêt de cette décision. Sur le fondement de l’article L. 632-2 du code de commerce, siège des nullités facultatives de la période suspecte, lesquelles peuvent frapper les paiements pour dettes échues effectuées à compter de la date de cessation des paiements, et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date, la chambre commerciale revient sur la preuve de la condition essentielle posée par ce texte, qui suppose que « ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ». Avec cette question pratique au cœur du contentieux : dans quelle mesure la qualité du bénéficiaire de l’acte litigieux peut-elle faire présumer sa connaissance de l’état du débiteur ?

À cet égard, un arrêt du 19 novembre 2013 avait rappelé que « la connaissance personnelle, par le bénéficiaire d’un paiement pour dettes échues, de la cessation des paiements du débiteur ne résulte pas nécessairement, lorsque celui-ci est une personne morale, de la qualité de dirigeant du bénéficiaire ». Mais, comme nous le soulignions alors, tout est cependant affaire d’espèce, et d’appréciation souveraine par les juges du fond sous le contrôle de la Cour de cassation.

Le présent arrêt de rejet le montre bien, qui conduit la chambre commerciale à approuver la cour d’appel de Colmar d’avoir estimé que l’épouse du débiteur en liquidation judiciaire et la société civile immobilière, bénéficiaire de l’apport de la maison d’habitation des époux, qui était « l’émanation des deux conjoints et associés », avaient eu personnellement connaissance de la cessation des paiements.

Pour ce faire, la cour d’appel a relevé « que l’accumulation des dettes impayées en particulier vis-à-vis de l’URSSAF et des impôts à partir de 2007 ne pouvait être ignorée de Mme Y…, signataire des statuts concrétisant son accord et mentionnant ces diverses sûretés inscrites en garantie des dettes impayées de l’exploitation de son conjoint ; […] que Mme Y…, qui n’invoque l’existence d’aucun bien ni revenu qui aurait constitué un actif disponible, ne pouvait ignorer que l’immeuble était le seul bien susceptible de répondre des engagements professionnels de M. Y… et que l’apport a eu pour but de soustraire l’immeuble à la procédure collective et aux poursuites de ses créanciers ». La cour d’appel « ayant ainsi caractérisé la connaissance qu’avaient Mme Y… et la SCI , dont M. et Mme Y… étaient les seuls associés, de l’impossibilité pour M. Y… de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, […] a retenu à bon droit que l’article L. 632-2 du code de commerce était applicable à l’apport litigieux ». 

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