Com. 27 mai 2014, F-P+B, n° 12-28.657

Cet arrêt, qui se situe au confluent du droit des sociétés et du droit des entreprises en difficulté, revient d’abord sur une question classique, celle de la responsabilité du dirigeant social à l’égard des tiers. L’on constate cependant une légère précision dans la formulation utilisée par la Cour de cassation, par rapport à l’arrêt Seusse de 2003, c’est-à-dire le premier arrêt qui s’était risqué à dégager des critères généraux de la « faute détachable des fonctions », seule à même d’engager la responsabilité du gérant lorsque l’action émane d’une personne extérieure au pacte social. Comme dans celui-ci, commet une pareille faute et « engage sa responsabilité à ce titre le gérant qui commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions ». Mais il est précisé expressément que la faute séparable des fonctions est celle « commise dans sa gestion » par le dirigeant, ici un gérant de SARL. Il semble que, aujourd’hui, ce soit l’anormalité qui soit le critère de qualification prépondérant de la faute séparable. Commettrait donc une telle faute le dirigeant auquel il est reproché une « gestion anormale ». Et tel est le cas en l’occurrence.

Il est question d’un gérant de deux sociétés, l’une étant société mère, l’autre filiale, toutes les deux objet d’une procédure collective. La mère fait l’objet d’un redressement, la filiale d’une liquidation. La filiale détient sur la mère une créance correspondant à une avance en compte courant d’associé (ce qui peut paraître curieux, car c’est normalement la mère qui est l’associé de la filiale, et non l’inverse, à moins qu’il n’existe ici entre les deux sociétés des participations croisées, ce que l’on ignore). La responsabilité personnelle du dirigeant est recherchée en sa qualité de gérant de la mère par le mandataire-liquidateur de la fille. Ce dernier obtient d’ailleurs gain de cause : « en s’abstenant de mentionner la créance de la société PAAM logistique [la filiale]sur la liste des dettes de la société PAAM investissements [la société mère]remise au mandataire judiciaire de celle-ci et en ne la déclarant pas, avait sciemment voulu avantager la société mère au détriment de la filiale et de ses créanciers, les privant de la possibilité d’obtenir un règlement dans le cadre du plan de redressement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision [de condamnation du gérant], peu important que la créance omise ait pu être connue des organes des procédures collectives ». S’agissant du contenu même de la condamnation, le gérant a été condamné en appel à payer au liquidateur judiciaire de la société PAAM logistique le montant du compte courant d’associé. Cette décision est validée par la Cour de cassation. Celle-ci, qui, curieusement, se réfugie derrière un raisonnement très factuel, constate que la créance de la société fille aurait pu être réglée dans son intégralité dans le cadre du plan de redressement de la société mère. Dès lors, la société fille, en sa qualité de créancière, peut valablement prétendre, via son liquidateur, à une réparation du chef du préjudice lié à l’extinction de la créance non déclarée, pour un montant égal à la valeur de celle-ci. 

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