Com. 15 nov. 2016, FS+P+B+I, n° 14-25.767

Peu importe le visa, si la règle est bonne ! C’est la leçon qu’on peut tirer de cet arrêt de rejet du 15 novembre 2016, qui tend à balayer tout formalisme excessif et évincer l’esprit de chicane. C’est de droit des entreprises en difficulté dont il est ici question, discipline qui, depuis la loi de sauvegarde des entreprises n° 2005-845 du 26 juillet 2005, a été traversée par un flot incessant de réformes, et même d’une renumérotation, tout cela ayant pu troubler quelque peu les esprits. Malgré ces changements, certaines règles fondamentales du droit des entreprises en difficulté ont survécu à ces réformes sans connaître de changements notables, voire sont demeurées identiques (déclaration de créance, continuation des contrats en cours, etc.). Toutefois, ces règles ont été initialement conçues pour le redressement judiciaire. Mais comme la loi de 2005 a créé la procédure de sauvegarde, qu’elle conçoit comme la procédure de droit commun, ces règles ont été déplacées dans le corpus législatif relatif à la sauvegarde et ne sont applicables au redressement, voire à la liquidation judiciaire, que par renvoi.

Cela a conduit un débiteur contre lequel une procédure de redressement judiciaire était ouverte à invoquer contre son créancier une règle dont le fondement légal était devenu caduc. Mais de cela, les juges ne lui ont pas tenu rigueur, car la règle invoquée n’avait, dans son contenu, connu aucune modification. Il s’agissait en l’occurrence de la règle selon laquelle le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Dans le redressement judiciaire, elle avait autrefois pour fondement textuel l’article L. 621-40 du code de commerce. Depuis la loi de 2005, elle a pour siège l’article L. 622-21 du même code et est rendue applicable au redressement judiciaire par l’article L. 631-14.

Or, dans l’affaire jugée, le débiteur en redressement judiciaire avait invoqué l’ancien article L. 621-40, alors que le redressement judiciaire avait été ouvert en 2010, c’est-à-dire alors que la loi de sauvegarde de 2005 était en vigueur (elle s’applique aux procédures ouvertes à compter du 1er janvier 2006). Fallait-il lui en tenir rigueur ? Aucunement, selon les juges du fond et la Cour de cassation. Cette dernière, qui rejette le pourvoi du créancier, affirme que « l’action en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d’une somme d’argent au sens de l’article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 ; que, sans se contredire ni méconnaître l’objet du litige, la cour d’appel […] a, à bon droit, en dépit du visa erroné de l’article L. 621-40 du code commerce, déclaré irrecevable la demande du bailleur tendant à la résiliation du contrat de bail pour paiement tardif des loyers antérieurs au jugement d’ouverture ». 

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