CEDH, décis.,17 mai 2016, Société Oxygène plus c/ France, req. n° 76959/11

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé, dans une décision du 17 mai 2016, que la déchéance du régime de faveur français des marchands de biens ne constitue pas une peine au sens de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il s’agissait, en l’espèce, de la déchéance du régime exonérant le paiement des droits et taxes de mutation à titre onéreux sur certaines opérations immobilières (CGI, art. 1115) d’une société exerçant l’activité de marchand de biens, au motif qu’elle ne respectait pas, au moment des faits, l’obligation requise à l’article 852, 2°, du code général des impôts (obligation de tenir le répertoire). À l’issue des différentes réformes intervenues en la matière (Ord. n° 2005-1512 du 7 déc. 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l’harmonisation et l’aménagement des régimes des pénalités, art. 20 ; loi de finance n° 2010-237 du 9 mars 2010, art. 16), cette obligation fut supprimée. Estimant que la mise en recouvrement incluant des intérêts de retard notifiée par l’administration fiscale, à la suite de la constatation des irrégularités dans la tenue du répertoire, n’avait plus vocation à s’appliquer en vertu du principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce, principe rejeté par les juridictions internes, la société a saisi la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement de l’article 7, § 1, 2 de la Convention (Pas de peine sans loi).

La Cour relève en vertu de l’article 7, § 1, et de sa jurisprudence Welch de 1995 que la déchéance du régime de faveur n’est pas intervenue à la suite d’une condamnation pour infraction pénale. Toutefois, la notion de « peine » au sens de l’article 7 (tout comme celle « d’accusation en matière pénale » visée à l’article 6, § 1, Conv. EDH) dispose d’une portée « autonome » ; « Il convient alors d’apprécier, pour rendre effective la protection offerte par l’article 7, si une mesure particulière s’analyse au fond en une "peine" au sens de cette clause », rappelle la Cour.

Pour cela, elle considère que d’autres critères dégagés par sa jurisprudence Engel de 1976, à savoir la qualification de l’infraction en droit interne, sa nature et le degré de sévérité de la sanction, méritent d’être analysés.

S’agissant du premier critère, il convient de rappeler que la déchéance du régime de faveur ne relevait pas, en France, du droit pénal mais fiscal. Examinant la nature de l’infraction, la Cour estime que la mesure ne pouvait être fondée sur des normes poursuivant un but préventif et répressif dès lors que l’article 1115 du code général des impôts énonçait les conditions requises afin que les marchands de bien puissent déroger au droit commun. Ainsi, « de façon logique, le marchand de bien ayant bénéficié de ce régime sans respecter ces conditions, se voit retirer du bénéfice » (§ 49). Enfin, et en tenant compte de l’importance des montants réclamés à la société (213 915 € dont 43 353 € d’intérêts de retard), la Cour constate qu’aucune pénalité n’a été mise à la charge de celle-ci, rappelant que de « simple intérêts de retard qui impliquent que la bonne foi du contribuable est admise, ne constitue pas une accusation en matière pénale » (§ 50).

En outre, « si des faits ne relèvent pas de la matière pénale au sens de l’article 6 de la Conv. EDH, ils ne peuvent être qualifiés de "peine" au sens de l’article 7 Conv. EDH » (§ 43).

La Cour conclut, en l’espèce et à l’unanimité, à l’irrecevabilité de la requête.

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