La Cour de cassation apporte plusieurs précisions quant aux remises des pénalités et majorations de retard et à la portée du privilège des organismes de sécurité sociale, sur le fondement de l’article L. 243-5 du code de la sécurité sociale.

Com. 16 oct. 2012, F-P+B, n° 11-22.750

La moindre difficulté avec les dispositions régissant les privilèges reconnus aux organismes sociaux et au Trésor public ne tient pas à l’égale instabilité des textes dans les deux cas, respectivement l’article 1929 quater du code général des impôts et l’article L. 243-5 du code de la sécurité sociale, en cause ici. Textes sans cesse modifiés, donc, ce qui traduit l’hésitation des pouvoirs publics quant à leur efficience, voire à leur opportunité, tant et si bien, d’ailleurs, que l’idée de leur suppression pure et simple fait désormais son chemin, d’abord avancée par le rapport « Attali » de la commission pour la libération de la croissance française (décis. 43), reprise à leur compte par le MEDEF, puis, tout récemment, par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), et objet d’une proposition de loi (n° 185), déposée par M. Jean-Jacques Guillet à l’Assemblée nationale, le 12 septembre 2012.

En l’espèce, dans une affaire ayant d’ailleurs déjà donné lieu à un arrêt de cassation (Com. 15 déc. 2009, n° 08-70.173), le litige, soulevé par la Carpimko (caisse de retraite aux arguments juridiques souvent créatifs, V. Com. 31 janv. 2012, n° 11-11.940), s’insérait dans une procédure de redressement judiciaire ouverte en décembre 2006. L’arrêt apporte trois précisions.

Remise de plein droit des pénalités

« En raison de sa généralité, l’article L. 243-5, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable en la cause, qui prévoit, en cas de procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, la remise de plein droit des pénalités, majorations de retard et frais de poursuite dus par le redevable de cotisations sociales à la date du jugement d’ouverture de la procédure, s’applique sans distinction suivant le caractère privilégié ou chirographaire de la créance de majorations et frais ». Autrement dit, la Cour de cassation consacre l’autonomie de ce texte par rapport à l’article L. 243-4 qui définit le privilège mobilier. La solution reste valable, la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 s’étant limitée, sur ce point, à formuler une exclusion pour cause de passif déclaré résultant du constat de l’infraction de travail dissimulé.

Inscription obligatoire du privilège

« Il résulte des dispositions de l’article L. 243-5, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, que l’inscription dans un registre public des créances privilégiées de cotisations sociales était requise sans considération de montant ». Là, la solution est désormais dépassée. En effet, alors que la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 avait supprimé toute référence à un seuil pour l’inscription obligatoire des créances privilégiées des organismes de sécurité sociale, conscient des effets pervers de cette publicité systématique du privilège dès le premier euro sur le crédit du débiteur, le législateur est venu corriger sa copie, en réintroduisant, à compter du 1er janvier 2007, la référence à un montant de créances pour l’inscription obligatoire du privilège mais en prévoyant toutefois des seuils différents selon les entreprises (CSS, art. D. 243-3).

Débiteurs exerçant une activité indépendante

« L’inscription des créances privilégiées des organismes de sécurité sociale n’était pas exigée, avant la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, pour la conservation de leur privilège mobilier à l’égard des personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale ». La Cour de cassation le dit elle-même : la donne a changé avec la la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit n° 2011-525 du 17 mai 2011. Ce texte a étendu, de manière générale, le champ de l’article L. 243-5 aux personnes physiques « exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale », réparant ainsi une omission de la loi du 26 juillet 2005 qui, prise à la lettre par la Cour de cassation (V. Com. 15 déc. 2009, préc. ; Civ. 2e, 12 févr. 2009, n° 08-13.459), empêchait les professionnels libéraux de bénéficier des remises automatiques des pénalités, majorations et frais, position que le Conseil constitutionnel avait jugée contraire au principe d’égalité (Cons. const., 11 févr. 2011, n° 2010-101-QPC). La deuxième chambre civile en a aussitôt déduit que cette solution s’impose même en présence de pénalités, majorations et frais de poursuites ayant fait l’objet de contraintes devenues définitives (V. Civ. 2e, 17 févr. 2011, n° 10-40.060 ; 12 juill. 2012, n° 11-19.861). En revanche, comme l’affirme dans le présent arrêt la chambre commerciale, l’organisme de sécurité sociale ne saurait se voir privé de son privilège pour une période antérieure à la loi du 17 mai 2011 (en l’occurrence, l’année 2006), c’est-à-dire de façon rétroactive, alors que l’inscription des créances privilégiées sur les professionnels libéraux n’était pas encore exigée.

Auteur : Éditions Dalloz - Tous droits réservés.